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fut présentée par ce dernier, il y eut sur tous les visages l'impression d'une grande incertitude, pour ne point dire confusion. Tous commencèrent par dire qu'ils étaient eux-mêmes des membres de l'Alliance[1], excepté Martin. Personne ne mit en doute la régularité de l'Alliance comme Section de l'Internationale, ce qui d'ailleurs eût été impossible en présence des lettres originales d'Eccarius et de Jung écrites au nom du Conseil général et que Fritz Heng leur avait présentées, et après ce fait également décisif, et connu de tous, que la Section de l'Alliance avait envoyé son délégué à Bâle, qui avait été admis connue tel par le Congrès. Le devoir du Comité fédéral de recevoir la Section de l'Alliance dans la Fédération romande était donc évident, crevait les yeux, comme disait alors notre ci-devant ami Philippe Becker. Mais, d'un autre côté, le Comité fédéral ne pouvait accomplir cet acte de justice sans provoquer un grand déplaisir chez tous les chefs de la coterie réactionnaire ou genevoise, qui avait fini par comprendre que cette petite Section avait fortement contribué au fiasco mémorable qu'elle avait éprouvé dans la question du programme et des délégués au Congrès. Comment sortir de ce dilemme ?

Ce fut M. Henri Perret, le grand diplomate de l'Internationale de Genève, qui prit le premier la parole. Il commença par reconnaître que l'Alliance était une Section régulière et reconnue comme telle tant par le Conseil général que par le Congrès de Bâle ; qu'elle était en plus une Section très bien inspirée, très utile, puisqu'il en faisait lui-même partie (il le croyait, mais il n'en faisait plus partie[2]) ; que sa demande enfin était parfaitement légitime, mais que le Comité fédéral, selon lui, devait remettre sa réception à une époque plus éloignée, alors que les passions soulevées par les luttes qui venaient d'avoir lieu se seraient calmées, etc., etc. Quant à M. Guétat, il déclara qu'il aurait accepté l'Alliance, pour son compte, s'il n'y avait pas dans cette Section des personnes qui lui déplaisaient. Martin se prononça ouvertement contre. Chénaz dormit. On décida de remettre l'acceptation à un temps indéterminé.


La Section de l'Alliance, en présence de cette décision, n'avait qu'une chose à faire : c'était d'attendre la réunion du prochain Congrès romand, pour soumettre la question au Congrès. Et c'est à cette résolution qu'elle s'arrêta (procès-verbal de la séance de la Section de l'Alliance du 27 septembre).


Le samedi 26 septembre, je m'étais rendu de Neuchâtel au Locle pour régler diverses affaires personnelles, et achever le déménagement de mes

  1. Les deux frères Perret, et Chénaz, étaient en effet, aussi bien que Guétat, Duval et Heng, des adhérents du groupe genevois de l'Alliance.
  2. Il faut conclure de ce passage que Henri Perret venait d'être rayé de la liste des membres de la Section de l'Alliance, sans doute pour « ne s'être pas conformé aux promesses faites par sa signature ».