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La quatrième question, l’instruction intégrale, et la cinquième, le crédit, ne purent être discutées, faute de temps. Elles sont renvoyées à l'année prochaine.

En présence des événements qui se préparent, et dont le résultat sera très certainement la chute de l'empire français, Paris a été désigné pour le siège du prochain Congrès. Nous n'avons pas besoin d'insister sur la signification de ce vote. L'heure de la grande émancipation politique, sociale et religieuse approche. Les délégués de l'Internationale se réuniront donc, en 1870, dans la capitale de la République française ; et nous avons l'espoir que le Congrès de 1871 pourra siéger à Rome.


Il faut compléter ce compte-rendu sommaire par quelques détails sur les débats du Congrès, par le texte des résolutions votées, et par la reproduction des appels nominaux, qui ont un intérêt tout particulier.


Question de la législation directe.

On a vu que c'étaient les socialistes de Zurich — Bürkly, le vieux phalanstérien, et un jeune relieur allemand, Hermann Greulich, dont le nom paraît au Congrès de Bâle pour la première fois — qui avaient mis en avant la question de la législation directe. Ils étaient appuyés par les délégués bâlois, par Gœgg, « délégué des Sociétés ouvrières allemandes de la Suisse », et, naturellement, par Rittinghausen. On put entendre Bruhin, le procureur général du demi-canton de Bâle-Ville, qui représentait au Congrès « les Sections réunies de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne », affirmer que « pour les Suisses cette question était la plus importante de toutes, car, pour eux, l'État n'était pas une institution bourgeoise, mais le peuple lui-même ; et si l'État est le peuple, il peut décider ce qu'il veut, et arriver au but de l'Internationale » ; à quoi Schwitzguébel et Fritz Robert répliquèrent que, bien que délégués suisses, ils ne croyaient point que par la législation directe on put arriver à l'émancipation du travail. L'attitude de Bruhin n'était pas pour surprendre ; mais ce qui nous étonna, ce fut celle de Liebknecht, venu à Bâle comme « délégué du Congrès d'Eisenach ». Il déclara que « c'était être réactionnaire que de refuser la discussion de cette question » ; qu'il ne fallait pas séparer les questions sociales des questions politiques ; que les Français et les Belges avaient tort de se désintéresser des réformes d'ordre législatif, et que la question, qui leur paraissait sans importance, avait au contraire une importance majeure pour les pays où une réforme de ce genre pouvait être proposée et accomplie. Liebknecht nous apparut comme un simple démocrate, qui, en Suisse, eût été l'allié du procureur général Bruhin et du candidat au Conseil d'État Grosselin.

Cinq délégués en tout, Gœgg, Bruhin, Rittinghausen, Liebknecht, et Starke (Bâle), insistèrent pour que la question de la législation directe fût placée à l'ordre du jour du Congrès. Deux délégués, Bakounine et Hins, combattirent cette demande, et Hins s'exprima ainsi, d'après le procès-verbal : « Je veux ajouter quelques mots aux paroles de Bakounine. Je ne comprends pas, de la part des Sections de l'Internationale, cette espèce de course au clocher des gouvernements. On veut, dit-on, arriver par une représentation ou législation directe à transformer les gouvernements actuels, œuvre de nos ennemis les bourgeois. On veut pour cela entrer dans ces gouvernements, et, par la persuasion, par le nombre, par des lois nouvelles, établir un nouvel État. Compagnons, ne suivons pas cette marche (car nous pourrions la suivre en Belgique ou en France tout comme ailleurs) ; laissons plutôt ces gouvernements tomber en pourriture, et ne les étayons pas de notre moralité. Voici pourquoi : l'Internationale est et