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hausen, qui a fait de la législation directe sa foi et l'unique but de sa vie, qui déjà en 1849, avec Considérant, avait lutté en France pour cette idée avec plus de courage que de succès, et qui après vingt ans revient encore à la charge.

Les partisans de la législation directe voulaient que le Congrès considérât leur question comme la plus importante de toutes, bien qu'elle ne fût pas même portée à l'ordre du jour, et qu'il la traitât de préférence à celles du programme. Cette prétention était inadmissible. Après une discussion dans laquelle furent échangées quelques paroles un peu vives, le Congrès décida que, lorsque l'ordre du jour officiel serait épuisé, s'il restait du temps, on s'occuperait de la législation directe. Mais M. Rittinghausen ne se tint pas pour battu ; il essaya à plusieurs reprises d'introduire son dada au milieu des discussions sur les autres questions du programme ; et il finit par demander au Congrès une séance extraordinaire pour s'occuper de la législation directe. Cette demande fut repoussée à une très grande majorité, et l'Association internationale a ainsi maintenu sa volonté « de ne participer à aucun mouvement politique qui n'aurait pas pour but immédiat et direct l'émancipation des travailleurs ».

Comme on pouvait s'y attendre, les journaux radicaux français n'ont pas manqué d'exploiter cette circonstance pour représenter les internationaux comme des bonapartistes et des agents volontaires ou inconscients de la réaction ; le Réveil de Paris, entre autres, leur a reproché en termes très amers leur indifférence pour les questions politiques[1]. Ces accusations absurdes ont été relevées d'une manière énergique par Hins, de Bruxelles : l'Internationale, a-t-il dit, est indifférente aux formes des gouvernements que pourra se donner la bourgeoisie, c'est vrai ; mais elle n'est pas indifférente à l'égard du gouvernement même de la bourgeoisie : l'Internationale refuse absolument de prêter à n'importe quel gouvernement bourgeois, s'appelât-il républicain, le secours de sa force et de son honnêteté ; mais quand le moment sera venu, elle montrera qu'elle entend bien s'occuper de politique, en aplatissant, sans distinction de forme et de couleur, tous les gouvernements bourgeois.

Les trois premiers jours du Congrès avaient été remplis tout entiers par des questions administratives, par l'incident Rittinghausen, et par la lecture des rapports du Conseil général et des Sections. Pour éviter à l'avenir la perte d'un temps précieux, le Congrès a décidé qu'on ne lirait plus dorénavant de rapports particuliers pour chaque Section, et il a élaboré, pour faciliter la tenue régulière des séances et la fixation des détails de l'ordre du jour, un Guide pratique des Congrès, qui entrera en vigueur l'année prochaine.

C'est le jeudi seulement que fut abordée la question capitale, la première du programme, celle de la propriété foncière. Le Congrès de Bruxelles s'était déjà prononcé en faveur de la propriété collective du sol ; mais les anti-collectivistes ayant prétendu qu'à Bruxelles la question n'avait pas été suffisamment approfondie, le Conseil général l'avait remise à l'étude pour cette année.

  1. C'était Ch. Quentin qui avait été envoyé à Bâle comme correspondant du Réveil.