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pour lesquelles Grosselin[1] devait se présenter comme candidat au Conseil d’État. Mais pour que l’alliance en question se réalisât complètement, il fallait absolument que les ouvriers-citoyens fissent disparaître de leur programme des questions de nature à agacer les nerfs de leurs alliés bourgeois.

« La tactique des hommes de la coterie genevoise, qui inspirait et dirigeait le Comité cantonal et qui, par lui, fixait l’ordre du jour des assemblées générales, fut très simple. Ils tirent nommer par les assemblées générales des commissions pour préparer des rapports sur les trois dernières questions du programme[2], et ils oublièrent d’en faire nommer pour les deux questions fâcheuses de l’abolition de l’héritage et de la propriété collective, espérant qu’on arriverait à la veille du Congrès sans que cet oubli eût été réparé. Mais ce calcul fut déjoué[3]. » On verra tout à l’heure comment (p. 186). Mais il faut d’abord achever de parler de ce qui concerne la Section de l’Alliance.


La Section de l’Alliance, une fois ses statuts adoptés, avait eu à se faire reconnaître officiellement comme Section régulière de l’Internationale. Dans la séance du 12 juin, Bakounine, président de la Section, annonça que le règlement revisé allait être envoyé au Conseil général. Ce fut encore Perron qui correspondit avec Londres, cette fois en qualité de « secrétaire provisoire de la Section de l’Alliance » ; sa lettre, datée du 22 juin 1869, disait que, la dissolution de l’Alliance internationale de la démocratie socialiste ayant été prononcée, la Section de l’Alliance de la démocratie socialiste de Genève venait soumettre au Conseil général ses statuts, en le priant de la reconnaître comme branche de l’Association internationale des travailleurs. La réponse du Conseil général (écrite en anglais) à la lettre de Perron arriva à Genève à la fin de juillet ; en voici la traduction :


Conseil général de l’Association internationale des travailleurs.
266, High Holborn, Londres W. G., le 28 juillet 1869.
À la Section de l' Alliance de la démocratie socialiste, à Genève.

Citoyens,

J’ai l’honneur de vous annoncer que vos lettres ou déclarations aussi bien que le programme et règlement ont été reçus, et que le Conseil général a accepté votre adhésion comme Section à l’unanimité.

Au nom du Conseil général : Le secrétaire général, G. Eccarius.


Cette lettre fut lue dans la séance hebdomadaire de la Section de l’Alliance, le 31 juillet. La Section décida que sa cotisation serait envoyée immédiatement à Londres, et que l’admission dans la Fédération cantonale genevoise serait demandée au Comité central (ou Comité cantonal) des Sections de Genève (Comité composé de deux délégués de chacune des Sections).

C’est à ce moment que Bakounine prit la résolution de quitter Genève, résolution qui nous contraria beaucoup et dont je ne connus la véritable cause (une grossesse de Mme Bakounine) qu’un peu plus tard. Les raisons

  1. Jacques Grosselin était un monteur de boîtes de montres, bel homme, vaniteux et ambitieux ; un certain talent de parole l’avait mis en évidence dans les solennités patriotiques, et lui avait fait acquérir, parmi les ouvriers de la fabrique, une popularité dont il sut profiter pour poser sa candidature à un fauteuil de membre du gouvernement genevois.
  2. Le crédit, l’instruction, et les sociétés corporatives.
  3. Mémoire de La Fédération jurassienne, p. 72.