associations politiques et rationalistes, la presse socialiste et républicaine, avaient envoyé des délégations à la funèbre cérémonie. Onze discours furent prononcés sur la tombe. Nous reproduisons celui d’Hector Denis, rédacteur à la Liberté :
« La mort a beau frapper dans nos rangs comme une aveugle complice des réactions politiques, elle n’en donne pas moins de cruelles leçons à ceux qui se font un jeu des douleurs et des aspirations du peuple… La société nouvelle, dont le règne va venir, a recueilli dans la poussière du vieux monde la dignité humaine, et la porte si haut, que quiconque reste encore attaché à toutes les choses passées doit pâlir, et quiconque croit à la société future se sent pris d’un enthousiasme involontaire, en dépit des larmes que nous versons ici.
« Rien n’arrête, ni la souffrance ni la crainte, ceux qui servent la cause de la justice. Nous avons vu, il y a trois semaines, Jeanne Brismée, brisée par le mal qui l’emporta, se traînant péniblement vers le cabinet du juge d’instruction, pour demander à voir enfin son mari qu’on avait emprisonné. Elle fut accueillie par un refus inexorable, et, pendant qu’appuyée sur des amis fidèles elle retournait à la maison paternelle, d’où elle ne devait plus sortir, elle exhalait en même temps tout son amour et toute sa foi dans un avenir meilleur pour le peuple. — « Quand viendra donc la justice », nous disait-elle, unissant les deux plus beaux sentiments de l’homme, « quand me rendra-t-on mon mari ? » Son mari, on le lui a rendu, vous le savez, pour qu’il reçût son dernier soupir ; mais la justice, elle, n’est pas encore venue.
« Toi qui combattis pour elle, ne désespère pas pourtant, nous sommes à son œuvre ; nous fonderons cette République sociale que tu rêvais, nous la ferons aussi ferme, aussi courageuse, aussi dévouée que toi. Ton dernier mot, expression de tes douleurs, fut : « La police m’a tuée ! » Eh bien, nous le jurons sur ta dépouille encore tiède, notre République sociale, la police ne la tuera pas !
« Repose donc en paix, pauvre fille du peuple, dans les cœurs qui ne battent que pour le peuple ; ta mort, sacrifice à la justice bourgeoise, nous promet l’avènement de la justice humaine. »
Le numéro se terminait par l’avis suivant :
Val de Saint-Imier,
à l’hôtel de la Croix-Fédérale, sur le Crêt-du-Locle.
Ordre du jour : Quels sont les moyens de réaliser le but de l’Internationale ?
Nous recommandons à nos amis cette importante réunion.
Le samedi 29 mai, Bakounine et Heng quittèrent Genève pour se rendre dans le Jura : Heng s’arrêta à la Chaux-de-Fonds ; Bakounine vint au Locle, où il arriva à trois heures. Le soir, il y eut au Cercle international du Locle une réunion préparatoire, dans laquelle se manifesta une com-