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doivent appartenir à la collectivité. Aujourd'hui on soulève de toutes part une question nouvelle, qui sera sans doute discutée en septembre au Congrès de Bâle, l'abolition du droit d'héritage. Il est nécessaire, pour que les Sections romandes puissent se former d'avance une opinion raisonnée sur ce sujet et donner des instructions sérieuses à leurs délégués, que le droit d'héritage devienne l'objet d'une étude approfondie dans l’Égalité.

Pour aujourd'hui, notre intention est seulement d'indiquer à ceux qui ne la comprennent pas encore quelle est la véritable signification de cette importante question.

Deux enfants viennent de naître : l'un a pour père un propriétaire, l'autre un ouvrier. Par le fait de leur venue au monde, ces enfants ont l'un et l'autre droit à la vie, et, comme ils ont l'un et l'autre des appétits physiques, et, plus tard, des besoins intellectuels, ils ont droit l'un et l'autre à la satisfaction de ces appétits et de ces besoins. Aucun d'eux n'a contribué en rien à la formation des capitaux existants ; leur droit à ces capitaux prend sa source dans leurs besoins, et, comme leurs besoins sont égaux, leurs droits sont égaux....

Par quel renversement des notions naturelles en est-on donc venu à prétendre que l'un de ces enfants possède, par le hasard de la naissance, un droit exclusif aux capitaux qui sont le patrimoine de l'humanité ; tandis que l'autre sera forcé, pour se procurer un instrument de travail, de se louer au premier, de devenir son esclave, parce que la société est si bien organisée, au point de vue de la justice, qu'elle lui refuse tous les droits, excepté celui de se vendre et de se laisser exploiter ?

Est-il juste que le premier, en héritant de la fortune paternelle, puisse vivre sans rien produire, ou en produisant comparativement moins que les autres, et entretenir une existence plus ou moins oisive aux dépens des capitaux amassés par les générations passées, tandis que le second devra produire continuellement sans jamais vivre ? À cette question, qui osera répondre : Oui, c'est juste ?

Mais si le million du capitaliste doit cesser d'appartenir à un enfant qui vient de naître, à qui appartiendra-t-il ? À ceux qui l'ont produit. Et qui a produit ce million ? C'est la collectivité.

Vous voyez que la suppression du droit d'héritage nous amène tout de suite à la propriété collective. En effet, ces deux questions sont étroitement liées, ou plutôt n'en forment en réalité qu'une seule.

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On peut dire en toute vérité que dans la fortune d'un millionnaire enrichi par l'industrie, le commerce ou la spéculation, il y a une partie, très petite, qui est le produit de son travail personnel, et une autre partie, très grosse, qui est formée de ce qu'il a volé aux autres.

Si les enfants n'héritaient que de cette partie légitime, qui est le produit de l'épargne faite par les auteurs de leurs jours sur leur propre travail personnel, ils hériteraient de si peu de chose, que cela ne suffirait pas pour leur entretien convenable, sans parler de leur instruction. Seule l'épargne faite sur le travail de la collectivité tout entière peut suffire à couvrir les frais de leur entretien, de leur éducation et de leur instruction. C'est si vrai, que même aujourd'hui, les enfants d'un millionnaire n'auraient pas la possibilité de se développer et de s'instruire comme ils le font à présent, si, à côté de leur million hérité, ils n'avaient pas encore à leur disposition, pour ainsi