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et de Guillaume, donnèrent à réfléchir au Bureau central de l'Alliance ; et, après une longue délibération, malgré l'opposition de Becker qui voulait qu'on ne tînt pas compte du refus du Conseil général, ce Bureau décida, sur la proposition formelle de Perron et de Bakounine, de se conformer aux observations du Conseil général, qui lui paraissaient justes.


La lettre écrite par De Paepe, au nom du Conseil général des Sections belges, offre un grand intérêt, en ce qu'elle montre ce que pensaient les hommes qui, en Belgique, s'occupaient le plus activement de l'organisation de l'Internationale. Aussi j'en reproduis les principaux passages[1] :


Bruxelles, 16 janvier 1869.

Aux membres du groupe initiateur de l'Alliance internationale de la démocratie socialiste, à Genève.

Citoyens,

Nous avons été surpris autant que peines en apprenant la constitution de votre groupe. Non point que nous désapprouvions votre programme, car, nous nous hâtons de le dire, la plupart des idées qui y sont formulées sont les nôtres, sont celles mêmes de l'Internationale des travailleurs. Comme vous, nous voulons que la terre et tous les capitaux ne puissent être utilisés que par les travailleurs, c'est-à-dire par les associations industrielles et agricoles ; comme vous, nous voulons substituer le règne de la science au règne de la foi, nous voulons pour tous les enfants, dès leur naissance à la vie, l'égalité des moyens de développement…, convaincus que cette égalité, d'abord seulement économique et sociale, aura pour résultat d'amener graduellement une plus grande égalité naturelle des individus… Comme vous, nous sommes ennemis de tout despotisme, et nous réprouvons toute action politique qui n'aurait point pour but immédiat et direct le triomphe de la cause des travailleurs contre le capital ; nous croyons que tous les oisifs doivent disparaître, nous voulons une société composée uniquement de producteurs : plus de parasites d'aucune sorte, aussi bien dans la gestion des affaires publiques que dans le commerce ou dans l'industrie ; partant de ce principe, nous devons évidemment, comme vous, vouloir la forme républicaine, non point comme forme de gouvernement (car nous ne voulons pas être gouvernés), mais comme forme sociale, c'est-à-dire que nous voulons avant tout la République dans la manifestation de tous les phénomènes économiques, dans l'atelier, dans la banque, dans la propriété. Comme vous, nous reconnaissons que tous les États politiques et autoritaires, actuellement existants, doivent se réduire aux simples fonctions administratives des services publics, dans leurs pays respectifs, et disparaître finalement dans l'union universelle des libres associations tant agricoles qu'industrielles. Comme vous, enfin, nous pensons que la question sociale ne peut trouver sa solution définitive et réelle que sur la base de la solidarité universelle, internationale, des travailleurs de tous les pays : nous n'avons qu'un pays, le globe, et qu'une patrie, l'Humanité.

Ce n'est donc point votre programme que nous attaquons. Ce que

  1. Cette lettre a été insérée intégralement par Max Nettlau, d'après l'original qu'il a entre les mains, dans sa biographie de Bakounine, pages 322-324.