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ros à la fois les anathèmes des dévots et ceux des radicaux, les excommunications du « coullerysme » et celles du « marxisme ».

Pour le moment, si les amis des pasteurs, au Locle, me firent, comme de juste, grise mine, je reçus, par contre, les félicitations des notabilités radicales. Je m'étais rendu le samedi 19 à Neuchâtel, où j'allais de temps à autre voir mes parents ; j'y assistai, le soir, à une conférence faite par le peintre Auguste Bachelin sur le Journalisme pendant la Révolution française, et je fus tout surpris de me voir reçu à bras ouverts par les amis de mon père. Le surlendemain j'écrivais :


Tu as donc lu notre Progrès ? On l'a lu aussi à Neuchâtel, et j'y ai reçu samedi, de la part des chefs radicaux, un accueil bien différent de celui qu'on me faisait il y a un an, quand j'écrivais dans le Diogène. Et pourtant je n'ai pas changé, et les deux journaux sont de la même couleur...

Nos petits-fils seront plus heureux que nous : libres et égaux, ils seront des frères, non des citoyens ; ils n'auront plus d'États, de gouvernements, de constitutions ; et c'est pour qu'ils puissent vivre tranquilles, sans faire de politique, que nous sommes obligés d'en faire aujourd'hui. Nous sommes nés quelques siècles trop tôt. (Lettre du 21 décembre 1868.)


XIII


Préparatifs en vue de la création d'une Fédération romande et d'un journal destiné à lui servir d'organe. — La demande d'admission adressée par le Bureau central de l'Alliance de la démocratie socialiste au Conseil général de l'Internationale à Londres est rejetée (22 décembre).


Conformément aux décisions prises à la conférence de Neuchâtel du 25 octobre (p. 92), les Sections de Genève avaient nommé une commission chargée de s'occuper de la création d'un journal, et une autre commission chargée d'élaborer un projet de statuts pour la future Fédération romande.

La commission des statuts discuta et adopta un projet dont Bakounine, alors très populaire au sein de l'Internationale genevoise, était l'auteur. Ce projet fut imprimé et distribué en décembre.

La commission du journal, présidée par Perron, consulta d'abord toutes les Sections de la Suisse française sur le titre à donner au futur organe de la Fédération. La Section de la Chaux-de-Fonds et celle du district de Courtelary auraient désiré que l'on conservât le titre de Voix de l'Avenir ; quelques personnes, à Genève, proposèrent l’Ouvrier ou le Travailleur ; la commission se prononça unanimement pour le titre l’Égalité, qui était demandé aussi par la Section du Locle. « Le titre de Voix de l'Avenir, dit le rapport de la commission, a été repoussé parce qu'il nous a paru ne rien affirmer et être un peu prétentieux. Le titre l’Ouvrier n'indique pas suffisamment bien, non plus, le but que doit poursuivre le journal ; le titre l’Égalité nous a semblé préférable : il est court, et définit, autant qu'il est possible de le faire par un mot, la tâche que s'impose la nouvelle publication des Sections, le but qu'elle cherche à atteindre. » En même temps qu'elle étudiait les moyens d'assurer au journal des ressources suffisantes, la Commission publiait un programme, et écrivait à un certain nombre de socialistes pour leur demander leur collaboration. Puis, à la date du 19 décembre 1868, elle fit paraître un numéro spécimen[1], contenant son rapport,

  1. Le titre de ce numéro spécimen porte, comme quantième, le « 16 » au lieu du 19 : c'est une faute d'impression.