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cent citoyens résolus à ne plus rien demander et à ne plus rien accorder aux anciens partis, à ne rechercher le progrès de la démocratie que par nos propres ressources et par notre foi dans les principes de la révolution.


Ce furent les candidats conservateurs qui furent élus dans le collège de la ville et celui de la Rive droite, les candidats radicaux dans celui de la Rive gauche.

Comment était-il possible que l'Internationale, qui comptait à Genève ses membres par milliers, n'eût pu grouper sur le nom de ses candidats qu'une centaine de voix ? « C'est que les ouvriers du bâtiment, presque tous étrangers, n'avaient pu voter ; et que les ouvriers de la « fabrique », enrôlés dès longtemps dans l'un ou l'autre des partis politiques bourgeois, votèrent pour des candidats bourgeois. Cet échec apprit aux internationaux sérieux que la lutte sur le terrain électoral et parlementaire n'avait aucune chance de produire un résultat utile, et ils y renoncèrent pour rentrer sur le terrain révolutionnaire ; tandis que les ambitieux[1] tiraient de cette leçon la conclusion que, si on voulait obtenir une place officielle, il fallait absolument s'allier à un parti bourgeois. » (Mémoire de la Fédération jurassienne, page 4o.)

XII


La Section du Locle en novembre et décembre 1868. Les achats coopératifs. Essai d'intervention dans les affaires municipales. Le mouvement du « protestantisme libéral » : première conférence de F. Buisson au Locle, 16 décembre. Création du Journal le Progrès : son premier numéro, 18 décembre.


Le wagon de pommes de terre que nous avions décidé de faire venir (p. 90) fut acheté dans le canton de Berne, par l'intermédiaire du chef de gare du Locle, le digne citoyen Perrelet, membre très dévoué de la Section de l'Internationale. Nous fûmes avisés de son arrivée le 9 novembre, et le soir même les principaux militants se réunirent au Caveau pour décider de quelle manière aurait lieu la vente. Un comité d'exécution et de surveillance fut nommé, dont je fis partie ; et il fut convenu que la vente se ferait le lendemain. Mais quand on eut expliqué ce qu'on attendait des membres de ce comité, tout le monde se récusa : il fallait aller à la gare, s'installer sur le wagon, mettre les pommes de terre dans des sacs, les peser, les distribuer aux acheteurs, en toucher le prix, inscrire les sommes reçues et les noms des payeurs, etc. ; or, personne n'avait le temps de quitter ses occupations pour aller à la gare perdre sa journée en totalité ou en partie ; sans compter que le genre de besogne auquel il fallait se livrer n'était pas des plus récréatifs. Heureusement qu'à côté des membres désignés pour former le comité il se trouva quelques volontaires qui offrirent leurs services et annoncèrent qu'ils iraient donner un coup de main. Néanmoins je n'étais pas sans inquiétude sur la façon dont les choses se passeraient. Le lendemain, retenu par mes leçons pendant la plus grande partie de la journée, je ne pus me rendre à la gare qu'à trois heures pour faire mon tour de surveillance. Le temps était beau ; il y avait de la neige, mais les chemins étaient secs. Je trouvai là trois ou quatre citoyens dévoués, appartenant à la catégorie de ceux qui, ne travaillant pas dans un atelier, pouvaient quitter leur établi sans avoir de permission à demander à un patron, et sacrifier une journée à la bonne cause. Il y avait entre autres le pierriste Ducret, caissier de notre Crédit mutuel ; le

  1. Ce n'est pas seulement Catalan qui est visé par ce mot, mais les meneurs de la « fabrique », Jacques Grosselin, Henri Perret, etc.