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(Français) ; Perron, Jules Gay, H. Perret, Ad. Catalan, Marc Héridier (Genevois). Les autres noms sont en général ceux d'ouvriers de Genève qui n'ont joué aucun rôle actif dans le développement de l'Internationale, mais parmi lesquels on peut citer quelques hommes dévoués, comme le commissionnaire portefaix Antoine Lindegger[1]. Cette tentative de réunir, à Genève, dans un groupe spécial les éléments les plus avancés, pour les occuper à des discussions théoriques sur les principes du socialisme, était une œuvre mort-née : le petit cénacle ainsi formé ne réussit pas, malgré ses efforts, à attirer la masse ouvrière à ses séances publiques ; mais il n'en suscita pas moins des jalousies et des défiances ; et il devait fournir quelques mois plus tard, à certains pêcheurs en eau trouble, un prétexte bienvenu pour fomenter la discorde dans l'Internationale à Genève et favoriser les intrigues de ceux qui voulaient détruire ou exploiter l'organisation naissante du parti du travail[2].

Une fois fondé, le groupe genevois de l'Alliance demanda au Comité central des Sections de Genève son admission dans la fédération locale des Sections de l'Internationale. « Le jour où cette demande fut présentée, le Comité central n'était pas en nombre, les deux tiers au moins de ses membres étaient absents. On ne décida rien, ou plutôt on décida qu'il fallait remettre cette décision jusqu'après le Congrès des Sections romandes qui devait se réunir à Genève dans les premiers jours de janvier 1869 pour constituer définitiveraent la Fédération romande. » (Extrait du Rapport sur l'Alliance rédigé en 1871 par Bakounine, — extrait inséré dans le Mémoire de la Fédération Jurassienne, Pièces justificatives, p. 46).

Les élections pour le renouvellement du Grand-Conseil du canton de Genève devaient avoir lieu le dimanche 15 novembre. Le groupe qui avait publié le Manifeste au peuple de Genève décida de présenter dans les trois collèges électoraux des listes de candidats : dans le collège de la ville, qui nommait quarante-quatre députés, tous les candidats furent des socialistes, qui avaient adhéré au programme du parti ; dans les deux collèges de la campagne, qui nommaient, l'un (rive gauche), quarante et un députés, l'autre (rive droite) dix-neuf, on avait fait une place, à côté des socialistes, à un certain nombre de radicaux, comme Antoine Carteret, le Dr Duchosal, Alexandre Gavard, etc.[3] Mais le résultat fut piteux. La Liberté du 21 novembre l'annonça à ses lecteurs en ces termes :


Aux socialistes.

Ainsi que nous l'avions prévu, les listes socialistes n'ont réuni, dans les trois collèges, qu'un très petit nombre de voix. À Genève, ce chiffre a été de cent trente à cent quarante bulletins ; à Carouge (Rive gauche), où un certain nombre de nos amis ont voté, pour cette fois encore, avec les radicaux dans la crainte d'un succès des ultramontains, ce chiffre n'a été que de vingt bulletins ; à la Rive droite, même résultat.

Nous ne sommes donc que cent, — pour ne pas disputer sur les chiffres, — cent socialistes dans le canton de Genève, c'est-à-dire

  1. Les noms de Brosset, de Duval et de Guétat, qui étaient pourtant membres du Bureau central, ne figurent pas dans cette liste, je ne m'explique pas pourquoi.
  2. C'est là mon appréciation personnelle. L'équité exige que je fasse connaître celle de Bakounine, qui n'est pas la même ; on la trouvera plus loin, au chapitre X de la Deuxième Partie.
  3. Dans le Mémoire de la Fédération jurassienne, j'ai écrit par erreur (page 40) que l'Internationale à Genève était entrée en lice avec une liste de candidats « exclusivement ouvriers ».