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internationale des travailleurs de Genève, par Brosset, ouvrier serrurier, président, Henri Perret, ouvrier graveur, secrétaire général, E. Dufour et J. Longchamp, secrétaires adjoints. On lit à ce sujet dans le Mémoire de la Fédération jurassienne, p. 47 : « L'attitude équivoque et indécise des ouvriers de la « fabrique », demi bourgeois électrisés un moment par la lutte, mais tendant à se rapprocher de la bourgeoisie, était représentée à merveille par le secrétaire du Comité central, Henri Perret, ouvrier graveur, qui subit d'abord l'influence de Brosset, de Perron, de Bakounine, qui signa avec enthousiasme l'Adresse aux ouvriers espagnols, etc. » ; et au bas de la page se trouve cette note : « Un de nos amis se rappelle très bien avec quel orgueil Henri Perret lui montra son nom au bas de cette fameuse Adresse, ajoutant en confidence que ce n'était pas lui qui avait pu écrire de si belles choses, et que l'Adresse était due à la plume de Bakounine, dont Henri Perret était alors le très enthousiaste admirateur. Cela se passait à la gare de Lausanne. » C'est de moi qu'il s'agit dans cette note ; c'est le mardi 3 novembre que je rencontrai à Lausanne Henri Perret. Je ne sais comment s'était répandue, dans l'entourage de Bakounine, cette croyance erronée que l'Adresse aux ouvriers espagnols était son œuvre ; je l'ai partagée très longtemps ; ce n'est que tout récemment que j'ai été détrompé, en lisant, dans un manuscrit inédit de Bakounine lui-même, que je possède, cette phrase qui autrefois m'avait échappé :


C'est sous l'influence directe des principes de l'Alliance qu'a été formulée la première parole franchement socialiste révolutionnaire qui se soit élevée du sein de Genève. Je veux parler de l'Adresse du Comité central de Genève aux travailleurs de l'Espagne, adresse rédigée par Perron, et signée par Brosset, président, et H. Perret, secrétaire du Comité central.


Des renseignements qui m'ont été communiqués confirment ce témoignage, tout en expliquant comment l'Adresse a pu être attribuée à Bakounine. Perron en a été le rédacteur : Bakounine l'a retouchée. Mais les mots : « Faites donc la révolution sociale » se trouvaient déjà dans le texte de Perron, et cette constatation a son intérêt : car il en résulte que cette « première parole franchement socialiste révolutionnaire » émane authentiquement d'un citoyen de Genève.

À la suite du conflit aigu qui avait éclaté entre Coullery et le Comité central de Genève, ce Comité prit l'initiative de convoquer une conférence de délégués pour examiner s'il n'y aurait pas lieu de créer un nouveau journal qui remplacerait la Voix de l'Avenir, et pour discuter une proposition d'unir entre elles les Sections de la Suisse romande par un lien plus étroit en les groupant en une fédération. La conférence eut lieu à Neuchâtel le dimanche 20 octobre : la Section du Locle ne s'y était pas fait représenter. A la suite de cette réunion, les Sections de Genève furent chargées de nommer dans leur sein deux commissions, l'une pour préparer la création d'un nouveau journal, l'autre pour élaborer un projet de règlement d'une Fédération des Sections suisses de langue française, qui prendrait le nom de Fédération romande. Il fut décidé en même temps que ces deux commissions présenteraient leur rapport à un Congrès de délégués qui se réunirait à Genève le samedi 2 janvier 1869.

Après la constitution à Genève du Bureau central de l'Alliance de la démocratie socialiste, les membres de ce Bureau résolurent de créer dans cette ville un groupe local d'adhérents à l'Alliance. Ce groupe se constitua le 28 octobre 1868, dans une réunion qui eut lieu au Café des touristes. Les noms de quatre-vingt cinq adhérents des deux sexes furent recueillis, et je relève parmi eux les suivants : J.-Ph. Becker (Allemand) ; Bakounine, Joukovsky, Elpidine (Russes); Mroczkowski, Zagorski (Polonais) ; Jaclard[1]

  1. Jaclard était un blanquiste qui, au Congrès de Berne, avait voté avec la minorité. Après le Congrès, il passa quelques jours à Clarens chez Joukovsky. Son adhésion à l'Alliance de la démocratie socialiste ne fut que momentanée ; il s'en éloigna bientôt.