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de Colins. Un autre fait encore, c'est que parmi ceux qui se disent mutuellistes et dont les idées économiques se rattachent généralement aux théories de Proudhon, en ce sens qu'ils veulent, comme le grand révolutionnaire, la suppression de tous les prélèvements du capital sur le travail, la suppression de l'intérêt, la réciprocité des services, l'égal échange des produits sur la base du prix de revient, le crédit gratuit réciproque, plusieurs ont voté pour l'entrée du sol à la propriété collective. Tels sont les quatre délégués français Aubry, de Rouen, Delacour, de Paris, Richard, de Lyon, et Lemonnier, de Marseille ; et, parmi les Belges, les compagnons Ch. Maetens, Verrycken, De Paepe, Maréchal, etc. Pour eux, il n'y a point de contradiction entre le mutuellisme applicable à l'échange des services et des produits en prenant pour base le prix de revient, c'est-à-dire la quantité de travail contenue dans les services et produits, et la propriété collective applicable au sol, lequel n'est pas un produit du travail et, par suite, ne leur paraît pas devoir tomber sous la loi de l'échange, sous la loi de la circulation.


La Section du Locle se réunissait régulièrement une fois par mois. L'assemblée mensuelle d'octobre eut lieu le dimanche soir 18 : Fritz Robert y vint de la Chaux-de Fonds, pour rendre compte de sa délégation au Congrès de Bruxelles. Nous avions continué à nous voir fréquemment depuis son retour. Il avait commencé à écrire, pour la Voix de l'Avenir, une série d'articles sur le Congrès, qui parurent en feuilleton dans les numéros du 4 au 25 octobre 1868. Le résultat de nos conversations avait été une adhésion complète aux résolutions votées à Bruxelles, et nous allions chercher à faire partager notre point de vue à nos camarades loclois.

L'assemblée fut très nombreuse : Constant Meuron présidait. « L'enthousiasme bienveillant des anciens jours s'est retrouvé, et chacun, au moment où la séance a été levée, exprimait le plaisir qu'il avait ressenti » (Lettre du 19 octobre 1868[1]). La lettre de la Section bruxelloise, que nous venions de lire dans la Voix de l'Avenir, avait aidé les ouvriers loclois à se former une opinion : et c'est à l'unanimité des membres présents que furent approuvées les résolutions du Congrès de Bruxelles. Je donnai ensuite lecture d'un projet d'Adresse aux socialistes de Genève, et cette Adresse fut également votée à l'unanimité. Expédiée le lendemain à Catalan, elle parut dans la Liberté du 24 octobre ; la voici :


Adresse des démocrates socialistes du Locle à la démocratie sociale de Genève.
Citoyens,

Nous avons pris connaissance du programme des démocrates socialistes genevois, publié dans un des derniers numéros de la Liberté, et nous remplissons un devoir de solidarité en vous envoyant notre adhésion complète aux principes que vous avez proclamés.

Quelques-uns des points de votre programme sont déjà réalisés dans notre canton ; quant aux autres, nous travaillerons de concert avec vous à les faire inscrire dans nos lois, et, si Genève réussit plus vite que Neuchâtel à réformer ses institutions dans le sens de nos principes, nous nous féliciterons de vous voir nous frayer le chemin du progrès social.

  1. Comme je l'ai déjà dit, les passages entre guillemets qu'on rencontrera de temps en temps dans mon récit, avec cette indication entre parenthèses : « lettre du. . . », sont extraits de mes lettres à ma fiancée.