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leurs efforts servaient tout simplement la cause bourgeoise, et qu’il y avait nécessité urgente de travailler au contraire à la défense et au développement de la véritable Fédération régionale. Ils prononcèrent alors la dissolution de leur Conseil, et tous ceux qui s’étaient séparés de la fédération de Valencia retournèrent s’unir à leurs frères de cette ville. Avec la dissolution du pseudo-Conseil fédéral, et la mort de l’organe des autoritaires, la Emancipacion[1], on peut regarder la campagne des agents de Karl Marx en Espagne comme terminée ; ils n’avaient abouti qu’au fiasco le plus complet. » (Rapport de la Commission fédérale espagnole au Congrès général de l’Internationale à Genève, 1er septembre 1873.)

Le 11 février 1873, par suite de l’abdication du roi Amédée, la République avait été proclamée en Espagne ; Castelar était devenu président. Un mois après, dans un article du Bulletin, cherchant à analyser la situation nouvelle créée par ce changement de régime politique, et examinant quelle pourrait être, à l’égard de la République, l’attitude des socialistes espagnols, j’écrivais :


Il est bien difficile de porter un jugement sur la véritable nature des événements qui se passent en Espagne... Ce qui paraît certain, c’est que le socialisme populaire est resté étranger au mouvement qui a porté les républicains au pouvoir, et que jusqu’à présent, sauf la manifestation ouvrière de Barcelone en faveur de la diminution des heures de travail, l’Internationale n’a pris aucune part active aux événements.

Mais cette abstention de l’Internationale ne pourra pas durer éternellement. Pour peu que le mouvement des partis s’accentue, l’Internationale ne pourra pas rester les bras croisés à regarder les ennemis du peuple se disputer le pouvoir ; il vient un moment où le peuple se met de la partie aussi, et où la portion du peuple déjà organisée, l’Internationale, devient le levier de l’action révolutionnaire.

... Ce serait à nos yeux une grande faute qu’une alliance entre l’Internationale et le parti des républicains fédéralistes ; non que l’Internationale ne soit pas fédéraliste, — mais son fédéralisme s’exerce de bas en haut ; il est la négation de l’État, des partis politiques et des assemblées constituantes ; il est l’affirmation de cette anarchie si chère aux ouvriers espagnols, c’est-à-dire de l’organisation spontanée et révolutionnaire des communes et des groupes autonomes librement fédérés.

En attendant que l’Internationale puisse essayer la réalisation de ce programme, elle fera bien, selon nous, de ne prendre aucune part aux tripotages politiques à propos des élections de la Constituante.

Mais doit-elle rester inactive ? s’il faut s’abstenir de faire le jeu de ses ennemis, faut-il s’abstenir de travailler dans l’intérêt de sa propre cause ? Non certes. Le moment est venu pour l’Internationale espagnole de déployer une énergie et une activité plus grandes que jamais. Qu’elle profite de l’ef-

  1. Engels écrit le 15 avril 1873 au Conseil général de New York : « La Emancipacion de Madrid est mourante, et peut-être même déjà morte. Nous leur avons envoyé quinze livres st. (375 fr.), mais comme presque personne ne payait les numéros reçus, il paraît impossible de maintenir le journal. Je suis en correspondance avec Mesa en vue d’un autre journal à fonder ; mais nul ne peut dire quel sera le résultat. — Le Pensamento social de Lisbonne, un excellent journal qui dans son dernier numéro avait une très bonne réponse à la Commission fédérale espagnole d’Alcoy sur la question de l’Alliance, sera aussi obligé de suspendre sa publication ; mais il reparaîtra. »