Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pension de la Fédération jurassienne. Ces gens sont déjà sortis de l’Internationale, en déclarant que Congrès et statuts n’existaient pas pour eux ; ils se sont constitués en centre d’une conspiration pour la création d’une contre-Internationale ; à la suite de leur Congrès de Saint-Imier des Congrès du même genre ont eu lieu à Cordoue, à Bruxelles, à Londres, et les alliancistes d’Italie tiendront à leur tour un Congrès semblable. Chaque individu et chaque groupe a le droit de sortir de l’Internationale, et dès qu’une chose pareille arrive, le Conseil général a simplement à constater officiellement cette sortie, et nullement à suspendre

Si le Conseil général ne change pas son mode de procéder, quel en sera le résultat ? Après le Jura, il suspendra les fédérations sécessionnistes en Espagne, en Italie, en Belgique et en Angleterre ; résultat : Toute la fripouille (Alles Lumpengesindel) reparaîtra au Congrès de Genève et y paralysera tout travail sérieux, comme elle l’a fait à la Haye, et le Congrès général sera de nouveau compromis, pour la plus grande joie de la bourgeoisie. Le plus grand résultat du Congrès de la Haye a été de pousser les éléments pourris (die faulen Elemente) à s’exclure eux-mêmes, c’est-à-dire à sortir. Le mode de procéder du Conseil général menace d’anéantir ce résultat…

Puisque la faute a été commise à l’égard du Jura, le mieux serait peut-être d’ignorer complètement les autres (à moins que nos propres fédérations[1] ne demandent le contraire), et d’attendre le Congrès général des sécessionnistes, pour déclarer alors, en ce qui concerne toutes les fédérations qui s’y seront fait représenter, que ces fédérations sont sorties de l’Internationale, qu’elles s’en sont exclues elles-mêmes, et qu’elles doivent être désormais considérées comme des sociétés qui lui sont étrangères et même hostiles.


On voit que Marx n’y allait pas de main morte : plutôt point d’Internationale, qu’une Internationale où les fédérations prétendraient à l’autonomie !

Abîme tout plutôt : c’est l’esprit de l’Église.

En Espagne, les hommes de la Nueva Federacion madrileña avaient essayé, après le Congrès de Cordoue, de gagner à leur cause quelques adhérents dans différentes villes. Ils réussirent à constituer à Valencia un petit groupe dissident, qui se joignit à eux en prenant le titre de Conseil fédéral espagnol, et qui, le 2 février 1873, lança une circulaire où il s’annonça comme « le fidèle gardien des statuts de l’Internationale ». Mais cette tentative échoua piteusement : « Le prétendu Conseil fédéral s’efforça pendant deux mois de fonder une nouvelle fédération régionale ; mais, de l’aveu même de ceux qui en faisaient partie, il ne put obtenir que quarante cotisations, de localités différentes[2]. Les membres du prétendu Conseil fédéral comprirent bientôt que

  1. Marx cherche-t-il à se tromper lui-même ou à tromper son correspondant, en parlant de « nos propres fédérations » ? Il n’y avait pas une seule fédération régionale qui fût pour le Conseil général.
  2. « Il existe en Espagne un parti politique fédéraliste… Ce parti a l’air de vouloir faire des avances à l’Internationale, et ces avances sont bien reçues par la poignée de marxistes dissidents qui viennent de constituer, en dehors de la Fédération espagnole, une petite Église sectaire et microscopique, gouvernée par une façon de Conseil fédéral siégeant à Valencia. Un journal républicain fédéral de Valencia, el Cosmopolita, est même devenu l’organe officiel de ce semblant d’organisation. Mais nous ne pensons pas qu’en dehors de ces deux ou trois douzaines d’hommes qui forment le parti de Marx en Espagne, les républicains fédéraux trouvent de l’écho pour leur propagande auprès des ouvriers internationaux. » (Bulletin du 15 mars 1873.)