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La nouvelle de sa mort nous fut apportée par le Gazzettino rosa. Ses funérailles eurent lieu le vendredi 10 janvier 1873, à quatre heures :


Une foule compacte d’ouvriers et d’étudiants accompagnait le char funèbre, sans croix, sans cierges, sans prêtre ; le char et la foule suivirent lentement la longue route qui mène au cimetière, et qui était parcourue par des patrouilles de carabiniers à cheval.

La municipalité avait refusé aux amis du défunt de leur accorder un peu de terrain au cimetière catholique ; puis, cédant aux menaces, elle avait fini par consentir à ce qu’il fût enseveli dans l’enceinte où sont enterrés les enfants mort-nés, attendu, avait-on dit, que « celui qui n’a pas de religion est comme s’il n’avait jamais vécu ». Le cortège s’arrêta donc dans ce verdoyant petit jardin, et le cercueil fut déposé au pied d’un cyprès. Un ami raconta la vie de Pezza en quelques paroles émues, sans que la police osât procéder à des actes hostiles. Puis le corps fut placé dans le cercueil par le père et quelques amis, et descendu dans la terre.


Le vieux père de Pezza fit reproduire et encadrer un grand portrait photographique de son fils ; il m’en envoya un exemplaire qui, jusqu’au moment où je dus quitter la Suisse, resta placé dans mon cabinet de travail à côté du portrait de Varlin.



III


De janvier à juin 1873.


Le 5 janvier 1873, le Conseil général de New York, après avoir « expecté » (style Sorge) pendant près de deux mois la réponse des Sections du Jura à son ultimatum du 8 novembre 1872 (voir p. 40), prononça la suspension de la Fédération jurassienne. Cette décision fut notifiée en ces termes (en français) au secrétaire de notre Comité fédéral :


Conseil général de l’Association internationale des travailleurs.

Sous date du 8 novembre 1872 la lettre suivante fut envoyée à la Fédération jurassienne : (Suit la copie de la lettre de Sorge du 8 novembre 1872).

Aucune réponse n’ayant été reçue par le Conseil général jusqu’à ce jour — le 5 janvier 1873, — soixante (60) jours après[1], le Conseil général, en obéissance aux articles 2 et 6, chapitre II, des règlements administratifs (« Du Conseil général »)[2], est obligé de suspendre et par la présente il suspend la Fédération jurassienne jusqu’au prochain Congrès général.

Toutes les sections et membres de la Fédération jurassienne qui n’auront ni reconnu ni confirmé les résolutions de leur Congrès extraordinaire du 15 septembre 1872 de Saint-Imier, sont invités à faire l’union avec la Fé-

  1. Par sa lettre du 8 novembre, le Conseil général n’avait accordé que quarante jours aux Jurassiens pour faire un acte de contrition. Mais, ayant ensuite voulu se montrer bon prince, il étendit, comme on voit, la durée de ce délai à soixante jours — ou plus exactement cinquante-neuf.
  2. Voir t. II, pages 338-339, le texte de ces deux articles, tels qu’ils avaient été modifiés par la majorité du Congrès de la Haye, expressément en vue de la suspension projetée de la Fédération jurassienne.