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Paris revive ; et alors toute la Suisse française se sentira de nouveau électrisée.


Lors de sa fondation, l’Avant-Garde avait été un journal de propagande secrète : son champ d’action exclusif était la France, où elle pénétrait clandestinement. À partir de janvier 1878, elle eut une existence avouée ; le Bulletin annonça en ces termes cette transformation :


Nous apprenons avec plaisir, par une communication de la Commission fédérale de la Fédération française, que l’Avant-Garde, organe de cette Fédération, recevra désormais des abonnés en Suisse. De cette manière, ce vaillant journal, précédemment destiné exclusivement à la propagande en France, pourra nous aider aussi sur le terrain de la propagande en Suisse. Nous recommandons chaleureusement l’Avant-garde à nos lecteurs.


Le roi d’Italie Victor-Emmanuel mourut le 9 janvier 1878. On annonça que son successeur Umberto allait accorder une amnistie ; et en effet, à la fin de janvier, les huit socialistes arrêtés à Solopaca et à Pontelandolfo — qui, peu de temps auparavant, avaient été (sauf Kraftchinsky) transférés de Caserte à Avellino — furent mis en liberté[1]. Quant aux détenus de Santa Maria Capua Vetere, ils n’avaient pu être compris dans l’amnistie, Kraftchinsky excepté, puisque la Chambre des mises en accusation et le procureur du roi relevaient l’un et l’autre à leur charge des actes qualifiés crimes de droit commun.


En janvier parut à Bruxelles un Manifeste du Parti socialiste brabançon, publié par un groupe de socialistes bruxellois, dont la plupart étaient des membres de l’Internationale : ces socialistes déclaraient « adhérer à la fondation d’un Parti socialiste belge, et se constituer en branche brabançonne de ce parti, sur le terrain légal et constitutionnel ». Ce Manifeste portait, au nom de la Commission administrative du groupe, les signatures de César De Paepe et d’Eugène Steens. Les rédacteurs du manifeste avaient eu soin de dire, en terminant, que, « tout en faisant usage des droits constitutionnels et des moyens légaux mis à leur disposition, ils ne prétendaient nullement répudier à jamais les moyens révolutionnaires, et renier ce droit à l’insurrection, dont leurs pères, les communiers flamands et wallons, avaient fait un si fréquent usage » ; mais en même temps ils annonçaient que, dans les élections à la commune, à la province et à la législature, ceux d’entre eux qui étaient électeurs donneraient leurs voix, à défaut de candidats socialistes, « à des candidats suffisamment amis du progrès social pour s’engager à appuyer les réformes actuelles et pratiques ».

Le Bulletin (28 janvier), après avoir reproduit quelques passages de ce manifeste, les commenta ainsi :


Il y a quelques semaines, le citoyen Louis Bertrand, de Bruxelles, déclarait, dans une lettre qu’il nous adressait et que nous avons publiée, que ses amis et lui étaient des opportunistes. Il disait vrai, et le document d’où nous venons d’extraire les lignes ci-dessus en fournit la preuve.

En Allemagne, où l’on vote, on ne vote au moins que pour des candidats socialistes. Les opportunistes brabançons se contentent à moins ; ils voteront pour les candidats des autres partis, à la condition (fort élastique) que ces candidats leur paraissent « suffisamment amis du progrès social ».

Nous doutons que les idées dont MM. De Paepe et Steens viennent de se constituer les champions trouvent beaucoup d’adhérents dans les populations wallonnes. Le Mirabeau, organe des sociétés ouvrières de la Belgique

  1. C’étaient Kraftchinsky (Roublef), Grassi, Ardinghi, Innocenti, Gagliardi, Matteucci, Dionisio Ceccarelli, Fruggieri. Kraftchinsky vint résider à Genève.