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lies de la bouche d’un travailleur, et placées en tête de ce volume comme épigraphe : L’ouvrier a tout fait : et l’ouvrier peut tout détruire, parce qu’il peut tout refaire. »


En France, des journaux radicaux de Lyon, que gênait le manifeste de la Fédération française de l’Internationale, avaient prétendu que ce manifeste était l’œuvre de la police, et que Pindy l’avait désavoué. La Commission française fit paraître, au commencement de novembre, un second manifeste confirmant le premier, et l’envoya aux journaux lyonnais le Progrès et le Petit Lyonnais, avec une lettre disant : « Notre Commission a décidé de vous envoyer ce deuxième manifeste destiné à répondre à vos calomnieuses insinuations, et de l’accompagner d’une lettre signée de tous ses membres, pour que l’envie ne vous prenne pas de nouveau d’en nier l’authenticité... (Signé) P. Jeallot, ex-officier de la Commune de Paris ; H. Ferré, tapissier ; Dumartheray, lampiste ; Ch. Alerini, ex-membre de la Commune de Marseille ; Pindy, secrétaire correspondant, ex-membre de la Commune de Paris. — P. S. : Si nous étalons ainsi nos anciens titres, ce n’est pas, croyez-le bien, par vaine gloriole, mais pour fermer la bouche à ceux qui seraient capables de nous faire passer pour des bonapartistes. »

On annonça, en novembre, que Jules Guesde allait publier un journal à Paris. Un correspondant parisien nous écrivit à ce sujet ce qui suit (Bulletin du 4 novembre) :

« Il va se publier ici un journal qui s’annonce comme socialiste et qui s’appellera l’Égalité ; son premier numéro paraîtra le 10 novembre. Ce sera une partie de la rédaction de feu les Droits de l’Homme et de feu le Radical qui fera ce journal, sous la direction de M. Jules Guesde (ce même M. Guesde qui dans le Radical a traité si injurieusement les socialistes italiens[1]) ; cela suffit pour que vous puissiez juger des véritables tendances de cette nouvelle publication. On annonce que les correspondants pour l’Allemagne seront Bebel et Liebknecht, pour l’Italie Gnocchi et Zanardelli. Les chambres syndicales n’auront rien à voir dans ce journal, ni les ouvriers révolutionnaires non plus : ce sera une feuille tout simplement radicale, représentant un petit groupe d’hommes qui, dans les dernières élections, s’étaient joints à la coalition bourgeoise des Trois cent soixante-trois contre le gouvernement de Mac-Mahon. Un article que Guesde a récemment publié dans la nouvelle revue allemande de Berlin, die Zukunft[2], disait positivement que les ouvriers doivent voter pour les candidats de la république bourgeoise, parce qu’il s’agit avant tout de maintenir la forme républicaine contre les tentatives des monarchistes : voilà qui indique suffisamment la couleur et les intentions de ce groupe de journalistes et d’ambitieux qui désirent arriver à la Chambre. M. Buffenoir, qui a publié avec quelques autres un « Manifeste de la démocratie républicaine socialiste du département de la Seine », — un vrai pot-pourri, — n’a aucune influence à Paris. C’est un homme mort, tué par le ridicule. »

Le 18 novembre, le Bulletin, revenant sur la question, saluait en ces termes l’apparition de l’Égalité :

« Ce journal se donnera pour mission d’engager le prolétariat parisien dans la voie de la politique parlementaire, en lui conseillant de voter pour les radicaux. Grâce au suffrage universel, — telle est la théorie de messieurs les rédacteurs de l’Égalité et des autres journaux de même nuance, — le peuple français peut exercer sa souveraineté : il doit faire usage de cette souveraineté, d’abord, pour maintenir la république, et pour cela il doit voter pour les candidats radicaux ; en second lieu, pour opérer des réformes sociales, et à cet effet il doit donner aux candidats élus par lui le mandat impératif de faire des lois favorables aux travailleurs. Nous ne pouvons mieux montrer le vide de toute cette théorie parlementaire, et faire toucher au doigt la duperie du

  1. Voir ci-dessus pages 185 et 215.
  2. Revue fondée par le Francfortois Karl Höchberg, disciple d’Albert Lange. Elle ne vécut qu’un an.