Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/666

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les prétendues réformes législatives ne sont qu’un trompe-l’œil, une simple apparence superficielle qui ne change rien au fond même de la machine gouvernementale, nous nous abstiendrons.

... La bourgeoisie prouve, et par toutes les institutions dans lesquelles elle prétend enfermer l’humanité, et par les soi-disant améliorations mêmes qu’elle a l’air de vouloir apporter à de vieux abus, qu’elle ne veut pas sincèrement la liberté et l’égalité. Et nous qui les voulons, nous ne devons pas aider les bourgeois dans leurs replâtrages et dans leurs « progrès » : nous devons les laisser faire, et les juger et les condamner, en montrant, par la critique de leurs œuvres, leur incapacité, leur égoïsme et leur mauvaise foi.

C’est à la bourgeoisie, à elle seule, à faire une loi sur les fabriques. Les socialistes ne peuvent pas demander une pareille loi, parce que ce serait une inconséquence : lorsqu’on se propose pour but l’abolition du salariat, la suppression du prolétariat, on ne peut pas prêter les mains à un arrangement dont la base même suppose l’existence d’un prolétariat comme un fait nécessaire et éternel, à un arrangement qui, s’il était sérieusement conclu, constituerait légalement le prolétariat à l’état de caste régie par des lois spéciales, placée entre les bourgeois, qui seuls ont droit à la liberté complète et au self-government, et les bêtes de somme, qui travaillent pour autrui, comme les prolétaires, et que la Société protectrice des animaux défend contre certaines brutalités stupides de leurs maîtres.

La bourgeoisie offre aux ouvriers de petits allégements, de petites concessions, — sur le papier, — à la condition qu’ils continuent à travailler pour elle. Une pareille proposition est-elle acceptable ? Non... À ceux qui cherchent, par de semblables moyens, à endormir l’instinct révolutionnaire chez les ouvriers et à faire durer la société bourgeoise, il faut répondre — et on répondra un jour — par la révolte des esclaves.


Le 14 octobre, autre article du Bulletin, écrit à Courtelary :


Les radicaux bourgeois, nous l’avons dit dans notre article précédent, patronnent en Suisse la loi sur les fabriques. Mais veulent-ils réellement l’amélioration du sort de l’ouvrier ? Souhaitent-ils, de bonne foi, voir l’État intervenir entre le fabricant et ses salariés, limiter la journée de travail, imposer un frein aux exigences inhumaines du capital ? Oh ! non ; s’ils appuient cette loi faite par leurs représentants, c’est qu’ils savent bien que cet acte d’apparente philanthropie ne gênera en rien leur exploitation...

Dans une assemblée de délégués du parti radical et de la société du Grütli, tenue à Corcelles (canton de Neuchâtel), on a pu voir un exemple de ce que nous affirmons. Un fabricant d’horlogerie radical, M. Louis Thévenaz, du Locle, a manifesté des défiances à l’égard du projet de loi : il craint, a-t-il dit, que si les dispositions en sont appliquées aux ateliers d’horlogerie dans le Jura, il n’en résulte des inconvénients graves pour l’industrie horlogère, — au point de vue des bénéfices des fabricants, naturellement. Et qu’a-t-on répondu à M. Thévenaz pour le rassurer ? On lui a déclaré que la loi des fabriques ne concerne nullement l’industrie horlogère ; qu’elle ne sera appliquée que dans certains grands établissements industriels de la Suisse orientale, et que, par conséquent, un bourgeois neuchâtelois peut