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prisonniers tous à la fois ; quelques-uns d’entre eux seulement ont trouvé de la place, et les autres sont obligés d’attendre leur tour. À l’heure qu’il est, les condamnés qui font leur prison à Courtelary sont au nombre de huit : Joseph Lampert (60 jours), Ulysse Eberhardt, Adhémar Chopard, Alcide Dubois, Camille Châtelain, Adolphe Herter, Henri Eberhardt, et James Guillaume (chacun 40 jours). Châtelain, qui est peintre en cadrans, travaille de son métier dans sa cellule ; Lampert et Chopard sont ensemble dans une grande cellule : le premier est graveur, l’autre guillocheur, et ils travaillent aussi de leur métier. Lorsqu’ils sont entrés en prison, au milieu de septembre, il a fallu prendre un char et un cheval pour transporter de Sonvillier à Courtelary le tour à guillocher de Chopard ; les condamnés ont profité du véhicule pour faire la route, et, après avoir arboré sur le char un drapeau rouge, ils ont traversé ainsi Saint-Imier, Villeret, Cormoret et Courtelary. James Guillaume s’est constitué prisonnier vendredi (5 octobre), et a apporté avec lui, sans que le geôlier y mît obstacle, une malle pleine de livres pour pouvoir continuer sa besogne quotidienne. Les quatre autres prisonniers, deux graveurs (Herter et Henri Eberhardt), un guillocheur (Ulysse Eberhardt), et un faiseur de secrets (Alcide Dubois), sont malheureusement sans travail, l’ouvrage étant rare en ce moment de crise.

« Chautems, de Bienne, qui n’avait que dix jours, a déjà fait sa prison à Courtelary.

» À Berne, deux autres condamnés à dix jours, Simonin et Gleyre, subissent leur peine en ce moment. Brousse (30 jours) s’est constitué prisonnier à Berne mardi dernier 2 octobre. »

Pittet fit sa prison en novembre, et Rinke revint à Berne pour faire ses 60 jours, en décembre. Les autres condamnés domiciliés à Berne avaient préféré changer de résidence et conserver leur liberté.

Du Bulletin du 14 octobre : « La fédération du district de Courtelary s’occupe en ce moment de l’organisation, à Sonvillier et à Saint-Imier, pour cet hiver, de séances d’études... Les condamnations dans le procès de Berne, loin d’affaiblir notre organisation, n’auront fait que la consolider, en déterminant davantage toute notre jeunesse socialiste à se vouer complètement à la révolution sociale. Les sections de métier adhérentes à l’assurance mutuelle sont appelées, par la section des métiers réunis, à combiner leur action pour le développement de cette institution dans le district de Courtelary. »

Dans le même numéro, le Bulletin annonçait la fondation à Genève et publiait les statuts d’une « association anarchiste de production d’ouvriers cordonniers », constituée par huit membres fondateurs.

Du Bulletin du 28 octobre : « Depuis le moment où nous avons donné la statistique des détenus de la prison de Courtelary, des mutations se sont produites dans le personnel de l’établissement. Alcide Dubois, Henri Eberhardt, Ulysse Eberhardt sont sortis dans le courant de l’avant-dernière semaine ; Châtelain et Chopard ont à leur tour vu les portes de leurs cellules se rouvrir la semaine suivante. Lœtscher et Bræutschi sont venus se constituer prisonniers pour quarante jours, le premier il y a trois semaines, le second il y a huit jours. Les détenus de Courtelary sont donc actuellement au nombre de cinq : Herter, Lampert, James Guillaume, Lœtscher et Brœutschi. Fritz Huguenin, Graber et Zurbuchen n’ont pas encore subi leur peine. »

Une lettre de Brousse, publiée dans ce même numéro, donnait les détails suivants sur sa captivité (il était enfermé dans la tour, bien connue des touristes qui visitent Berne, qu’on appelle le Köfigthurm) :

« Je suis écroué avec des citoyens qui, tout en se montrant amants trop passionnés de la propriété individuelle, n’ont pas été assez habiles ni assez riches pour se faire appeler banquiers, et que les tribunaux ont alors tout simplement appelés voleurs[1]. Je ne m’en plains pas, car cette cohabitation me

  1. On a vu (p. 247) que le tribunal n’avait pas voulu envisager notre procès comme ayant un caractère politique : nous n’étions que des condamnés de droit commun.