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Le 10 novembre, le Comité fédéral jurassien invita par une circulaire les sections à se prononcer sur les résolutions du Congrès international de Saint-Imier. Onze sections, Neuchâtel, Genève, Bienne[1], Sonvillier, Saint-Imier, Porrentruy, Zürich (Section slave), Mulhouse, le Locle, graveurs et guillocheurs du Locle, la Chaux-de-Fonds, répondirent en faisant connaître leur adhésion ; seule, la Section de Moutier annonça (séance du Comité fédéral du 22 décembre), au sujet des résolutions de la Haye et de celles de Saint-Imier, que « l’attitude de ces deux Congrès en matière politique l’avait engagée à se prononcer pour les résolutions du Congrès de la Haye ».

Au commencement de décembre, la Section de Neuchâtel proposa que le Bulletin devînt hebdomadaire à partir du 1er janvier 1873. Cinq Sections seulement se prononcèrent en faveur de cette proposition, qui pour le moment se trouva écartée ; mais le Congrès jurassien du 27 avril 1873 devait la reprendre et l’adopter.

Nous avions publié, deux fois déjà, un petit almanach, qui avait été pour nous un très utile moyen de propagande. Le succès nous encourageait à continuer, et dans le courant de décembre parut (imprimé à Neuchâtel, à l’atelier G. Guillaume fils) l’Almanach du peuple pour 1873 (3e année, Saint-Imier, Propagande socialiste, 40 p., petit in-16). Cette brochure contient les articles suivants : Quelques mots sur la propriété, par Élisée Reclus ; Le suffrage universel, par Jules Guesde[2] ; L’éducation démocratique, par Mme André Léo ; Les veuves des fédérés, poésie, par Alfred Herman (de Liège) ; Une nouvelle Parabole (imitation de la célèbre Parabole de Saint-Simon), par B. Malon ; Le collectivisme (suite de l’article de l’almanach précédent), par Adhémar Schwitzguébel.


Cependant le Conseil général de New York avait pris connaissance des résolutions par lesquelles le Congrès jurassien tenu le 15 septembre à Saint-Imier avait déclaré ne pas reconnaître les résolutions du Congrès de la Haye. Il décida, avant de sévir, d’engager les ouvriers du Jura à révoquer les résolutions de leur Congrès, en leur accordant un délai de quarante jours pour venir à résipiscence. Voici la lettre (écrite en français) par laquelle Sorge transmit au Comité fédéral jurassien cette décision, — lettre qui fut lue dans la séance du Comité fédéral du 8 décembre :


Le Conseil général de l’Association internationale des travailleurs au Comité ou Conseil fédéral de la Fédération jurassienne.
Compagnons ouvriers,

Le Conseil général, dans sa séance du 27 octobre, a entendu le compte-rendu de votre Congrès extraordinaire tenu le 15 septembre à Saint-Imier, ainsi que les résolutions prises à ce Congrès extraordinaire, répudiant entièrement les actes et les résolutions du dernier Congrès général de l’Asso-

  1. Engels écrivait triomphalement à Sorge, le 16 novembre 1872 : « À Bienne, où les Jurassiens n’avaient plus personne, il s’est formé une nouvelle section, mais elle a adhéré à Genève ». On voit comme à Londres on était bien renseigné.
  2. C’est dans cet article de Jules Guesde que se trouvent les passages si souvent reproduits : « Depuis vingt-quatre ans que les urnes sont debout en France — dans la France du 10 août 1792 et du 18 mars 1871 — sur les cadavres des insurgés de Février, qu’en est-il sorti ? L’Assemblée nationale de 1848..., la dictature de Cavaignac..., la présidence de M. Louis Bonaparte... ; l’Empire, en 1852... ; la capitulation Trochu-Favre ; et la République conservatrice de 1871... Dans les conditions sociales actuelles, avec l’inégalité économique qui existe, l’égalité politique, comme l’égalité civile, est un non-sens... De là l’impuissance du suffrage universel, lequel, loin d’aider à l’émancipation matérielle et morale des serfs du capital, n’a pu et ne peut que l’entraver... À l’époque du cens, la bourgeoisie était un état-major sans armée. Le suffrage universel lui a fourni cette armée électorale dont elle avait besoin pour se maintenir au pouvoir. »