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en vain ce qu’on peut découvrir de socialiste dans un programme pareil, qui n’est pas même aussi avancé que celui des radicaux bourgeois de la Suisse.

« Nous apprenons par le Mirabeau que ce document, qui a la plaisante prétention de « formuler les revendications du prolétariat parisien », a été rédigé par M. Hippolyte Buffenoir, publiciste ; celui-ci, dans une lettre publique à M. Liebknecht, se glorifie de la paternité de cette belle œuvre.

« Il est possible que ceux qui veulent faire du socialisme légal, parce que ce socialisme mène au Parlement, trouvent le programme de M. Buffenoir de leur goût. Tant mieux, nous ne regretterons pas de n’avoir pas ces gens-là avec nous. Mais nous savons que les ouvriers révolutionnaires français, ceux qui ont combattu pour la Commune et qui attendent leur revanche, ne se laisseront pas prendre à ces niaiseries démocratiques ; ceux-là sont avec nous ; ils ne veulent pas plus du programme Buffenoir que du programme Gambetta : le seul qui réponde à leurs aspirations, c’est le programme révolutionnaire qu’ils ont applaudi en lisant et en propageant le manifeste de la Fédération française de l’Internationale. »

La journée du 14 octobre désappointa grandement l’un et l’autre des deux partis qui se disputaient la victoire. « Mac-Mahon et ses ministres comptaient gagner au moins cent vingt nouveaux sièges à la Chambre : ils n’en ont gagné qu’une quarantaine. Les Trois cent soixante-trois avaient affirmé qu’ils reviendraient quatre cents, et ils ne reviennent que trois cent vingt. Les républicains conservent la majorité, c’est vrai ; mais leur majorité s’est affaiblie... L’hypothèse d’un coup d’État semble devenue très improbable, ce coup d’État se produisît-il même sous la forme mitigée d’une nouvelle dissolution de la Chambre et de restrictions apportées au suffrage universel... ; Mac-Mahon restera au pouvoir en changeant de ministère, et tout sera dit, — jusqu’à une nouvelle crise parlementaire. » (Bulletin du 21 octobre.) C’était là en effet ce qui allait se produire.


En Belgique, une grève éclata dans les derniers jours de septembre chez les mineurs du bassin de Mons ; il y eut des scènes sanglantes, la gendarmerie tira sur la foule, à Wasmes, à Quaregnon. On lit dans notre Bulletin (14 octobre), à ce sujet : « Une fois de plus, nous aurons eu une de ces révoltes du travail qui n’aboutissent qu’à des massacres d’ouvriers sans causer aucun dommage sérieux aux ennemis des travailleurs. Ceux des ouvriers belges qui sont organisés ne pourraient-ils pas se donner pour mission de faire la propagande chez ces mineurs ignorants,... et de chercher à leur faire comprendre le sens de cette résolution du Congrès de Verviers, disant que « le corps de métier doit se proposer, comme but principal, la suppression du patronat et la prise de possession des instruments de travail par l’expropriation de leurs détenteurs ? »

En octobre, à l’occasion d’une visite du roi Léopold à Gand, il y eut dans cette ville une manifestation hostile, des coups de sifflet, des cris de Vive la République. La police arrêta un ouvrier ; mais la foule assaillit aussitôt les gendarmes et délivra le prisonnier ; il est vrai que celui-ci fut arrêté de nouveau la nuit suivante, par une escouade d’agents qui allèrent le cueillir à son domicile. « Voilà donc — écrivit le Bulletin (28 octobre) — le peuple ouvrier gantois qui, lui aussi, au lieu de rester sur le terrain de la légalité, se laisse aller à des manifestations séditieuses, à des Putsch ! Cette petite affaire, de peu d’importance en elle-même, n’indique-t-elle pas que les orateurs belges qui, au Congrès de Gand, prétendaient représenter le sentiment populaire en se faisant les apôtres de la tactique légale et de la politique parlementaire, ne représentaient en réalité que leurs idées personnelles et nullement celles de la masse des ouvriers ? »


En Angleterre, le dixième Congrès annuel des Trade Unions eut lieu à Leicester du 17 au 22 septembre. Dans son discours d’ouverture, le président, après avoir cité divers écrivains sacrés et profanes, fit une déclaration qui « réprouvait de la manière la plus énergique tout attentat contre les personnes