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coups d’État[1]. La minorité est restée dans l’ancien local, Red Lion Court, s’est constituée comme Conseil fédéral anglais, et a avisé toutes les sections... Le coup d’État est donc manqué. Ce qui me réjouit le plus là dedans, c’est le prompt châtiment qui a frappé monsieur Jung. Voilà ce qu’il a gagné à se laisser prendre au piège de Hales, à se laisser transformer en instrument de son mortel ennemi Guillaume[2]. C’est maintenant un homme mort (Er ist jetzt mausetot). » Malheureusement pour Engels et Marx, Jung était bien vivant, et il allait le faire voir au Congrès anglais.


En France, on l’a vu dans le volume précédent, de nombreuses sections de l’Internationale s’étaient réorganisées, et il s’était créé un certain nombre de sections nouvelles. Toutes celles de ces sections qui étaient en relations avec des proscrits réfugiés en Suisse s’étaient affiliées à la Fédération jurassienne, faute de pouvoir constituer entre elles une Fédération française. Nous entretenions des correspondances avec des camarades emprisonnés en France[3], et avec quelques-uns de ceux qui avaient été déportés en Nouvelle-Calédonie. Notre Bulletin, qui, à partir de son numéro du 15 novembre, publia « un extrait du procès-verbal des séances du Comité fédéral, afin de tenir les membres de la Fédération au courant des relations du Comité fédéral tant avec les sections de l’intérieur qu’avec celles de l’extérieur[4], » contient dans chaque numéro, pendant trois mois, des nouvelles des Sections françaises ; on annonce successivement « la formation de divers nouveaux groupes en France qui adhèrent à la Fédération jurassienne », et « les résolutions adoptées par un Congrès français composé de vingt-trois délégués de Sections françaises » (procès-verbal du 10 novembre) ; « la constitution de nouvelles sections et leur fédération probable et prochaine » (24 novembre) ; « plusieurs lettres de France donnant des renseignements sur les progrès de la cause : plusieurs nouvelles sections sont en formation » (1er décembre) ; des « lettres très importantes de France qui signalent la misère croissante des travailleurs et les progrès qui s’opèrent dans le sens d’une réorganisation des forces ouvrières » (5 janvier 1873). Mais le procès-verbal du 12 janvier dit : « En raison des nouvelles persécutions dont l’Internationale vient d’être l’objet en France[5], il est décidé que le procès-verbal ne mentionnera plus les correspondances que le Comité fédéral reçoit de ce pays ».

La Fédération rouennaise publia, en octobre, dans l’Internationale de Bruxelles, une protestation contre les votes du Congrès de la Haye et contre l’attitude de son délégué Faillet (à la Haye sous le nom de Dumont), qui « s’était permis de voter dans un sens complètement opposé à celui du mandat qu’il avait reçu ». En enregistrant cette protestation, le 10 novembre, notre Bulletin ajouta : « Nous le savions bien que ces soi-disants délégués de la France qui se sont faits les instruments complaisants de M. Marx, et ont aidé la majorité à dénaturer les statuts de l’Internationale, ne représentaient pas le prolétariat français, et qu’ils seraient désavoués. Rouen n’est pas la seule Section qui ait protesté. D’autres, que la prudence nous défend de nommer ici, mais que la plupart de nos lecteurs connaissent, ont protesté aussi contre l’indigne abus qui a été fait de leurs noms, et ont déclaré se rallier à la Déclaration de la minorité ainsi qu’aux résolutions du Congrès de Saint-Imier. »

  1. Par une étrange aberration, tandis que, pour le vulgaire bon sens, c’est l’acte de la minorité usurpant le titre de Conseil fédéral qui apparaît comme un « coup d’État », Engels donne ce qualificatif à l’acte parfaitement légitime de la majorité convoquant un Congrès des Sections anglaises.
  2. Je n’ai jamais été l’ennemi de Jung, ni lui le mien. Malgré une différence d’opinion sur la tactique politique, nos relations sont toujours restées cordiales. On verra par la façon dont Jung, au Congrès anglais, a parlé de Schwitzguébel (p. 50), de quelle manière il jugeait les Jurassiens.
  3. Le Bulletin du 15 octobre 1872 publia une lettre que m’avait écrite Parraton, alors détenu au Château d’Oléron.
  4. La publication de ces extraits ne dura que jusqu’au milieu d’avril 1873.
  5. Voir à la page suivante les arrestations faites dans le Midi à la fin décembre.