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« S’inspirant des principes consacrés dans nos statuts, la Fédération jurassienne reconnaît que l’émancipation des travailleurs n’est pas un problème local ou national, mais humain, dont la solution n’est pas possible sans le concours théorique et pratique des travailleurs de tous les pays ;

« Que ce concours doit être direct, c’est-à-dire que l’émancipation à laquelle il aboutira doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, et non pas le résultat d’un contrat ou d’un compromis quelconque avec les partis bourgeois, fait par l’intermédiaire de délégués officiels ;

« Que sur ce terrain du concours direct, quels que soient du reste les moyens employés pour arriver au but, la Fédération jurassienne croit de son devoir d’affirmer sa solidarité avec tous les travailleurs, chaque fois que par un acte quelconque ils protesteront contre l’organisation actuelle de la société, et auront en vue leur émanciption ;

« Mais que vis-à-vis d’un mouvement qui, bien que se proposant en apparence l’émancipation du travail, ne fait en réalité que prolonger par le moyen du parlementarisme la situation existante, la Fédération jurassienne réserve toute sa liberté d’action ;

« Elle envisage ce mouvement comme la dernière phase du mouvement national, comme un moment historique nécessaire peut-être, particulièrement chez certains peuples ; mais elle ne pourra jamais le considérer comme un moyen véritable d’émancipation du travail.

« En conséquence elle se réserve le droit de le combattre non-seulement chez elle, mais aussi dans les pays où ce mouvement peut rallier le plus grand nombre des ouvriers ; et cela en vertu de son autonomie et de son droit à la propagande sans bornes de tous les principes collectivistes et anti-autoritaires.

« Conformément à ces principes, les délégués de la Fédération jurassienne devraient donc exposer eux-mêmes ou présenter un manifeste exposant clairement les principes, le but et les moyens de la Fédération ; accepter la discussion sur ce programme et sur ces moyens, sans toutefois accepter, en vue d’une apparente utilité pratique, aucune transaction, et sans faire aucune concession. Ils ne doivent absolument pas permettre, si ce n’est de la critique raisonnée, aucune attaque ni aucune offense contre les organisations qui auraient déjà commencé à mettre en pratique ce programme avec les moyens susdits.

« Si un pacte de solidarité est proposé au Congrès, ils ne devront l’accepter que s’il laissait à chaque organisation, dans chaque pays, sa complète autonomie, et n’empêchait pas la propagande de nos principes même dans les pays où des principes et des moyens différents prévaudraient ; ce ne devrait être qu’un pacte de solidarité économique, dans tous les cas où les travailleurs, directement, par un acte quelconque, soit par une grève, soit par une lutte ouverte, attaquent les institutions existantes. Dans le cas de lutte légale, sur le terrain national, en vue de la conquête du pouvoir politique, se réserver toute sa liberté.

« Quant à la constitution d’un centre de correspondance et de statistique, et à la formation éventuelle d’une nouvelle organisation, la commission est d’avis que l’Internationale, avec ses statuts tels qu’ils ont été revisés au Congrès de Genève (1873), est l’organisation la plus capable d’embrasser les diverses manifestations de la vie ouvrière.

« Telles sont les bases de la conduite que, suivant nous, la Fédération jurassienne devrait tenir au Congrès de Gand. Nous sommes en outre d’avis de laisser à nos délégués une certaine liberté, soit dans la discussion, soit dans les résolutions particulières à prendre, les résolutions des congrès n’étant obligatoires que pour les sections et fédérations qui les auront acceptées, en sorte que nous conserverons notre plein droit de les repousser si elles ne sont pas conformes à nos convictions. »


Un dernier point du programme du Congrès de Gand, « La valeur et la portée sociale des colonies communistes, etc. », donna lieu, dans la séance