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proposition ; il remit en outre au citoyen Johannard une lettre que celui-ci était chargé de lire à la Haye au cas où le Conseil général serait maintenu à Londres, lettre par laquelle Jung refusait d’avance toute nomination à ce Conseil. La proposition de Jung fut rejetée, grâce à l’opposition des citoyens Marx et Engels, qui parlèrent fortement contre tout changement du siège du Conseil général ; ces mêmes citoyens soutinrent plus tard à la Haye l’opinion contraire, et proposèrent le transfert du Conseil à New York. Le motif de cette politique de girouette était, lorsque Marx et Engels soutinrent que le siège du Conseil général ne devait pas être changé, de s’assurer les votes des blanquistes membres du Conseil, qui désiraient que le Conseil général restât à Londres. Les blanquistes furent donc flattés d’abord, puis trahis plus tard ; quand on n’eut plus besoin d’eux, on les jeta par-dessus bord : aussi ont-ils, depuis, donné leur démission de membres de l’Internationale[1].

« La politique tortueuse suivie par certains membres de l’ex-Conseil général a été quelque peu surprenante. Ainsi, le transfert du Conseil général à New York a été proposé précisément par les hommes qui avaient obtenu [en août] la suspension du citoyen Hales comme secrétaire général parce qu’il avait proposé au Congrès anglais deNottingham [en juillet] « que le Conseil fédéral anglais correspondît directement avec tous les autres Conseils fédéraux de l’Association et fît avec eux l’échange des journaux ». Par conséquent, pour rester fidèle à la théorie de ces hommes, dans le cas où une grève éclaterait en Angleterre ou en Écosse et où nous serions menacés de voir amener des ouvriers du continent, le Conseil fédéral anglais serait tenu d’écrire à New York au Conseil général pour prier celui-ci d’écrire à son tour aux Conseils fédéraux d’Europe afin de les prévenir d’empêcher le départ d’ouvriers pour la Grande-Bretagne ! Cette conséquence absurde de leur théorie suffit à prouver combien peu ces hommes, qui appartiennent à la bourgeoisie, connaissent les besoins réels des travailleurs. Ce sont eux qui ont si bien intrigué et tripoté dans les affaires de la Fédération anglaise, que c’est merveille si cette Fédération existe encore. Si tous ses membres connaissaient la manière dont on a brouillé les cartes et dont on a pris les gens pour dupes, ils ne consentiraient plus à remettre le soin de leurs affaires à des hommes qui ne seraient pas pris dans les rangs du travail : L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »

L’Appel du Conseil fédéral anglais donne ensuite des détails très circonstanciés sur les origines de la scission qui a eu lieu dans son sein ; nous devons nous borner à les résumer.

Pendant assez longtemps, il n’y eut pas, en dehors des Trade Unions qui s’affiliaient en bloc, de sections de l’Internationale en Angleterre. Ce furent les citoyens Jung et Hales qui résolurent les premiers de chercher à en constituer ; dans l’hiver de 1869 ils commencèrent à donner des conférences sur les principes de l’Internalionale, et ils continuèrent en 1870. Le résultat de ces conférences fut la formation de plusieurs sections: la première fut celle de Bethnal Green (à Londres), et la seconde celle de Saint--

  1. La plus grande partie de cet alinéa a déjà été reproduite, t. II. p. 327, note 1.