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magne ! Il faudrait, avant de vouloir juger d’une chose, prendre au moins la peine de s’en informer avec exactitude.


Il n’y a plus rien sur l’Italie dans le Bulletin pendant tout le mois de mai. Nous étions sans nouvelles autres que celles de la presse bourgeoise, qui nous apprit l’arrestation, à Naples, de notre ami Emilio Covelli ; Costa, arrivé à Berne, et que j’étais allé voir, n’en savait pas plus que nous. C’est seulement dans le premier numéro de juin que le Bulletin publia de nouveau quelques lignes concernant nos amis italiens ; je copie :


Les internationaux arrêtés près de Letino, et actuellement détenus dans les prisons de Santa Maria Capua Vetere, ont tous déclaré, à l’exception d’un seul[1], avoir pris les armes pour provoquer la révolution sociale. La santé des prisonniers est bonne. On leur permet de lire et d’étudier. Quant à l’époque où se fera leur procès, nous n’avons aucun renseignement.

Faisons remarquer en passant que, dans son dernier numéro, la Tagwacht de Zürich, rédigée, comme on sait, par un certain Greulich,... insinue que Cafiero, Malatesta et leurs compagnons sont des agents provocateurs (Tagwacht du 30 mai, p. 8, 1re col., ligne 34) : quelques lignes plus bas, l’honnête Greulich se livre à un rapprochement entre les internationaux italiens et les blouses blanches de l’empire.

Nous recommandons au mouchard Terzaghi de s’assurer la collaboration de M. Greulich pour la première ordure qu’il imprimera ; la prose du rédacteur de la Tagwacht est digne de figurer dans les colonnes du Re Quan Quan[2].


Mais nous allions enfin pouvoir, dans le numéro suivant, donner des nouvelles authentiques, car je venais de recevoir, le 2 juin, une lettre que Malatesta m’avait fait parvenir de la prison (voir p. 211).


On a vu que le président du Grand-Conseil bernois, M. Sahli, avait, dans son discours d’ouverture, stigmatisé « les idées déplorables et malsaines d’une classe qui veut fonder son existence sur les ruines des institutions actuelles et vivre heureuse sans travailler ». Les membres de l’Arteiterbund de Berne, en cette occurrence, tinrent à bien séparer, devant le public, leur cause de celle des Jurassiens, et à constater que les paroles de l’homme d’État bernois s’appliquaient à l’Internationale et rien qu’à l’Internationale. Par une lettre que publia la Tagwacht (28 avril), les « Arbeiterbundiens » bernois affirmaient que seule une presse ignorante ou de mauvaise foi avait pu mettre dans le même sac les Jurassiens et l’Arbeiterbund ; que c’étaient les Jurassiens seuls qui avaient fait le cortège du 18 mars, à Berne ; que l’Arbeiterbund, qui a l’honneur de compter au nombre de ses membres M. le conseiller d’État Frossard et plusieurs députés, s’était bien gardé d’y prendre part. Les signataires de la lettre s’étonnaient d’ailleurs que M. Sahli eût pu s’occuper, dans son discours, de ces Jurassiens dont l’Arbeiterbund combat depuis un an « avec succès » les principes et l’influence, et qui sont aussi insignifiants sous le rapport du nombre que sous celui des principes et de la tactique ; et ils terminaient en priant le président du Grand-Conseil bernois de vouloir bien expliquer clairement le sens des paroles prononcées par lui, et de dire si elles s’appliquaient, à un degré quelconque, aux membres de l’Arbeiterbund.

M. Sahli s’empressa de répondre et de tranquilliser les dignes citoyens qui l’interpellaient ainsi. Ses paroles, dit-il, ne s’appliquaient à aucun degré à

  1. Il s’agit d’un certain Francesco Gastaldi, âgé de quarante ans, lieutenant d’artillerie en retraite, dont je ne m’explique pas bien la présence parmi les insurgés.
  2. Le journal que rédigeait alors Terzaghi.