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sans remerciement aucun ; sur quoi le Grand-Conseil, par 50 voix contre 36, s’est déclaré de l’avis de M. Gerber.

Voilà donc un membre du gouvernement mis brutalement à la porte, pour le simple fait d’avoir blâmé la violation, commise par la police à l’égard des socialistes, des droits garantis par la constitution bernoise.

À quand la suppression de l’Internationale ?


À la suite de la manifestation du 18 mars à Berne, plusieurs ouvriers de cette ville furent congédiés par leurs patrons, pour le crime d’avoir accompagné le drapeau rouge. Une souscription fut ouverte, pour venir à leur aide, dans les colonnes du Bulletin et de l’Arbeiter-Zeitung ; en quelques semaines, elle produisit 221 fr. 05 ; après quoi elle fut close pour faire place, à la fin d’avril, à une souscription en faveur des internationalistes qui venaient d’être arrêtés en Italie (voir p. 190).


Dans toutes les sections de la Fédération jurassienne, des réunions particulières avaient eu lieu le 18 mars. Dans celle de Lausanne, Adolphe Clémence fit lecture de la préface d’un livre que Charles Beslay allait publier sur la Commune. Cette lecture provoqua, de la part des auditeurs et de Clémence lui-même, des commentaires que résuma une correspondance adressée au Bulletin : Beslay parlait, dans sa préface, d’une réconciliation entre le peuple et la bourgeoisie, comme de la condition nécessaire pour une réorganisation sociale ; l’Internationale ne croit pas à la possibilité de cette réconciliation : « Il n’y a aucune alliance possible — déclara Clémence — entre ceux qui ne produisent rien et détiennent ce qui ne leur appartient pas, et ceux qui travaillent sans pouvoir jamais s’appartenir eux-mêmes ». Charles Beslay répondit par une lettre qu’inséra le Bulletin (15 avril) ; il y disait : « S’il est un point d’honneur auquel nous tenons par dessus tout, nous autres socialistes, c’est celui qui nous porte à exposer librement, en pleine indépendance, au grand jour, les solutions que nous considérons comme vraies... À ce point de vue, j’ai le droit de dire que je me tiens dans la ligne droite de l’Internationale, qui discute sans imposer aucun joug, qui cherche sans enchaîner les esprits... Trouver une loi nouvelle, trouver un nouveau contrat entre le travail et le capital, voilà manifestement et de toute évidence la solution du problème et la voie à suivre. Pour vous, cette solution n’existe que dans l’appropriation collective du capital et la négation de l’élément qui détient injustement le produit du travail... Mais le communisme est fondamentalement irréalisable, comme organisation sociale : il n’a jamais existé dans le passé, et rien ne le montre possible dans le présent. » La Section de Lausanne répliqua (Bulletin des 29 avril et 6 mai) par l’exposé des idées économiques et sociales de ses membres ; repoussant toute conception communiste autoritaire et étatiste, ils préconisaient le principe de l’équivalence des fonctions, la constitution de groupes communaux, régionaux, nationaux et internationaux, subdivisés eux-mêmes en groupes de producteurs et de consommateurs, et l’organisation d’un vaste système d’assurances fédéralisées.


En France, il y eut commémoration, en de nombreuses réunions privées, de l’anniversaire de la révolution communaliste. On lit dans le Bulletin (25 mars) :


L’anniversaire du 18 mars a été célébré à Paris par plusieurs banquets clandestins, la police ayant interdit ceux qui avaient été publiquement annoncés. Le Radical (successeur des Droits de l’homme), répondant à la Liberté qui prétendait qu’aucun banquet n’avait eu lieu, dit :

« Nous nous contentons de répondre que, outre les deux banquets interdits, trois autres, à l’un desquels cent cinquante personnes étaient présentes, ont eu lieu sans encombre ; quant à dire où, la Liberté ne nous croit vraisemblablement pas assez naïfs pour cela. »