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Ajoutons que les journaux bourgeois de Berne, le Bund, l’Intelligenz-Blatt, ont comblé l’Arbeiterbund d’éloges bien mérités. Ils ont vanté sa sagesse, sa modération, et n’ont pas manqué de reproduire, pour s’en faire une arme contre nous, les termes de l’appel que nous avons cité plus haut. Puisse cette sympathie, outrageante pour eux, de la presse bourgeoise, de la presse ennemie du socialisme, faire comprendre aux membres de l’Arbeiterbund qu’ils font fausse route.

La soirée familière, qui dura de huit heures à minuit, ne présenta pas d’incidents nouveaux. Des discours, des chants, des déclamations, de la musique alternèrent avec la lecture de nombreux télégrammes et d’adresses de sympathie, dont plusieurs venaient de France, et une d’Espagne.

Le lendemain, les socialistes venus du dehors reprirent le chemin de leurs différentes localités, et retournèrent à leur travail. La ville de Berne ne présentait plus de traces de l’agitation de la veille ; mais la presse bourgeoise commençait sa malpropre besogne, et annonçait aux quatre vents des cieux le nouvel « attentat » commis par l’Internationale.

La manifestation du 18 mars n’aura pas été inutile ; elle contribuera à la diffusion de nos idées. Calomniez-nous, messieurs les bourgeois, il en restera toujours quelque chose : une propagande involontaire que vous aurez faite pour notre compte.


Dans la presse suisse, les journaux ultramontains et libéraux et une partie des journaux radicaux nous couvrirent d’injures. Le Journal de Genève dit : « Le drapeau rouge représente tous les excès sanglants de la première révolution. Le peuple suisse n’en veut pas. » L’Intelligenz-Blatt de Berne annonça que le Conseil communal avait invité le gouvernement à prendre des mesures pour « réprimer énergiquement ces honteux attentats contre l’ordre et la sécurité publique », c’est-à-dire les manifestations socialistes. Le Handels-Courier de Bienne (radical) nous appela « excroissances de la société humaine » ; le Progrès de Delémont (radical) qualifia le drapeau rouge de « loque » ; le Petit Genevois (radical) nous infligea une « flétrissure », en ajoutant qu’il approuvait « la répression qui nous avait été infligée ». Par contre, le Confédéré de Fribourg (radical) prit notre défense, et déclara que les socialistes étaient pleinement dans leur droit en arborant le drapeau rouge ; le Journal du Locle (radical), après avoir blâmé la conduite de la police bernoise, ajouta : « Il faut espérer que l’incident de dimanche aura pour résultat une réclamation à l’autorité supérieure, qui voudra bien nous apprendre de quelle couleur doivent être les drapeaux et les opinions politiques pour trouver grâce et faveur devant elle et ses agents ».

Un journal religieux protestant, l’Union jurassienne, constata les progrès de l’Internationale et sa force morale. Parlant des « procédés sommaires » de la police à notre égard, il dit : « Il faudra mieux que cela pour vaincre l’audacieux parti qui menace de bouleverser la société et commence par mettre en question les bases mêmes sur lesquelles elle repose. Ne le cachons pas, ce parti est une puissance : tantôt nombreux et compact, tantôt épuisé et presque mourant, il reparaît et ressuscite, organisant ses sections, y établissant une discipline sévère, développant ses théories dans des conférences publiques, et, comme ces mystérieux fléaux qui s’avancent dans l’ombre, marchant, avec une confiance et une conviction qui manquent à bien d’autres, à la conquête de l’avenir. »

La Tagwacht nous traita en ennemis. Le Bulletin parle en ces termes de l’attitude de ce journal :