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Le conflit intérieur dans l’Arbeiterbund.

Il est intéressant de suivre, dans l’Arbeiterbund, le conflit intérieur qui paraît s’accentuer toujours davantage.

Dans une circulaire du Comité central de Winterthour (Tagwacht du 24 février), nous trouvons quelques passages qui sont une critique indirecte de la ligne politique adoptée par les « Arbeiterbundiens » de Genève, Berne, Bâle, et divers autres lieux : tactique qui consiste, comme on sait, à se mettre docilement à la remorque du parti bourgeois dit libéral, démocratique ou radical, et à voter pour ses candidats et pour ses projets de loi.

Le Comité central déclare que, selon lui, les socialistes suisses doivent former un parti « indépendant » (selbstständig), et, entre autres arguments, il met en avant celui-ci :

« Le Congrès des internationaux, à Berne, en octobre dernier, a voté la résolution suivante, à laquelle se sont associés aussi les délégués de l’Allemagne et de l’Arbeiterbund : « L’Internationale sympathise avec les ouvriers de tous les pays, pour autant qu’ils n’ont pas d’attache avec les partis bourgeois quels qu’ils soient ».

« Ce Congrès, il est vrai, ne nous concerne pas directement, mais la chose n’en a pas moins son importance pour nous, attendu qu’au prochain Congrès universel, en Belgique, les diverses associations seront appréciées de ce point de vue-là... L’Arbeiterbund doit former un parti pour son propre compte... Il est indispensable que les socialistes marchent seuls, s’ils veulent que leur cause triomphe... »

Comme on le voit, il y a dans ces lignes un sentiment vrai de la dignité du parti socialiste. Ceux qui ont écrit cette circulaire pensent, comme nous, qu’il vaut mieux se trouver peu nombreux, mais n’avoir avec soi que des hommes convaincus, des socialistes sérieux, que de remporter de prétendus triomphes électoraux comme ceux des Genevois, achetés au prix d’une alliance de dupes avec un parti bourgeois...

Pendant que quelques hommes, à Winterthour et ailleurs, se prononcent en faveur de l’indépendance (Selbstständigkeit) du parti socialiste, et recommandent en même temps une entente amicale avec la Fédération jurassienne, les Allemands de Genève se montrent toujours plus furieux contre ces Jurassiens, qui percent à jour leurs menées politiques. Dans la Tagwacht du 10 mars, le Comité de l’Arbeiterbund genevois proteste contre l’idée d’inviter les Jurassiens au prochain Congrès de l’Arbeiterbund.

« Nous ne comprenons pas, écrivent ces dignes politiciens, à quoi pourrait servir une invitation adressée à ce groupe... Y a-t-il aucun symptôme qui indique que les Jurassiens soient disposés à marcher d’accord avec l’Arbeiterbund, par exemple sur le terrain politique ? Il suffit de rappeler l’assemblée de Saint-Imier[1], et les articles de l’Arbeiter-Zeitung et du Bulletin contre la législation directe. Nous recommandons en conséquence

  1. Ainsi, on nous fait un crime d’avoir, dans l’assemblée populaire de Saint-Imier, combattu les radicaux bourgeois. (Note du Bulletin.) — Sur l’assemblée du 4 février à Saint-Imier, voir ci-dessus p. 144.