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bien — aussi bien que le Bulletin jurassien — que la réglementation du travail des enfants par voie législative ne serait qu’un palliatif. Et néanmoins, à l’exception de quelques Verviétois, nous avons tous, Flamands et Wallons, — à Gand, à Anvers, à Bruxelles, dans le Centre, dans le Borinage, à Huy, à Seraing, à Verviers, — pris la décision de seconder le mouvement. Pourquoi cela ? Je vais vous en dire les raisons :

1° Ce palliatif, s’il était appliqué (même imparfaitement appliqué), aurait des effets utiles, tant pour la génération nouvelle, qui serait moins rachitique et moins ignare, que pour les ouvriers adultes qui seraient moins mal payés, et pourraient plus facilement s’affilier à nos sections, acheter nos journaux et nos brochures, etc., sans compter que l’extrême misère abaisse les caractères, enlève toute énergie, et fait de nos masses ouvrières — nous l’avons vu trop souvent — de vils troupeaux de mendiants : la fièvre de famine, maladie qui a plusieurs fois régné épidémiquement dans nos Flandres, rend les populations imbéciles et leur ôte toute volonté, toute énergie ;

2° Ce mouvement en entraîne d’autres à sa suite ; nous y voyons le réveil de nos populations, dont l’abstentionnisme politique (à part chez quelques hommes de principes, anarchistes par conviction, et dont le nombre est rare chez nous) n’était au fond que de l’indifférence, que de l’apathie, que de l’indolence ;

3° Ce mouvement entretient dans le pays une agitation salutaire ; il donne lieu à des meetings, à des réunions de tout genre, à la formation d’associations nouvelles, etc. Dans ces meetings, dans ces réunions diverses, en même temps qu’on proteste contre le travail des enfants, on fait la propagande du socialisme, on parle à des gens qui sans cela ne vous auraient pas écouté ou ne vous auraient pas donné l’occasion de leur parler ; en deux mots, ce mouvement nous procure de nouveaux moyens de propagande et de groupement. Et notez qu’à ce point de vue, il importe peu que le mouvement réussisse, c’est-à-dire aboutisse à une loi ou non, car l’agitation, la propagande et le groupement auront eu lieu, quel que soit le résultat au point de vue législatif. Dans ce mouvement, à côté de citoyens qui, comme moi, désirent que la législation sur les fabriques et notamment sur le travail des enfants soit votée en Belgique, et qui le désirent à la fois dans l’intérêt des enfants et dans celui des ouvriers adultes, il y a d’autres citoyens qui sont contents que ce mouvement ait lieu, mais désirent que la législature bourgeoise fasse la sourde oreille, pour que le peuple soit encore plus irrité contre ses maîtres sans entrailles et devienne, par sa propre expérience, plus révolutionnaire, plus convaincu qu’entre la bourgeoisie et le prolétariat c’est une guerre sans merci, sans quartier.

Quant à la forme pétitionnement, elle n’est qu’un des divers moyens de ce mouvement, comme le meeting ou réunion publique, comme la discussion dans la presse, comme les manifestations publiques dans la rue, etc. Le pétitionnement est une indignité, a-t-on dit. Mais pardon, cela dépend du ton de la pétition. Si celle-ci est conçue en termes fiers et dignes, il n’y a pas d’humiliation ni d’indignité. Et puis, le droit de pétitionnement est inscrit dans la constitution belge à côté du droit de réunion, d’association, de presse, etc. Puisque nous ne croyons pas indigne de nous de faire usage