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wärts une correspondance que ce journal publia ; le Bulletin du 25 mars releva le fait en ces termes :


Le Vorwärts du 16 mars a publié une correspondance d’Italie pleine de grossières injures contre des socialistes qui se permettent de penser autrement que Marx et son école. Cette correspondance ne fait honneur ni à ceux qui l’ont écrite, ni au journal qui l’a accueillie. C’est tout ce que nous avons à dire à ce sujet : on ne discute pas avec des insulteurs.


Le Vorwärts, à partir de ce jour, cessa l’échange avec le Bulletin[1].


En France, le maréchal Mac-Mahon supportait impatiemment le ministère Jules Simon, et on parlait d’un prochain coup d’État ; le maréchal déclarerait que, l’ « essai loyal » n’ayant pas donné les résultats désirés, l’expérience était terminée, et que la République avait vécu. « Il est certain, écrivait le correspondant parisien du Journal de Genève (13 mars), que le chef de l’État est l’objet des plus pressantes sollicitations... Les républicains se sont constamment abusés sur le compte du suffrage universel, oubliant que quand on le tient, en France, on peut, moitié par force, moitié par adresse, lui faire dire ce qu’on veut. »

Il n’y eut pas, comme quelques-uns s’y étaient attendus, un coup de force militaire : mais le 16 mai allait montrer bientôt le parti monarchiste et clérical jouant sa dernière partie.


La tournure prise par le mouvement ouvrier dans quelques régions de la Belgique attirait notre attention. On a vu que De Paepe s’était déclaré d’accord avec les pétitionnaires gantois. Cette modification dans ses idées sur la tactique n’altéra en rien nos rapports personnels, qui sont toujours restés ceux d’une franche camaraderie[2]. En janvier 1877, il m’écrivit une longue lettre pour m’expliquer sa façon de comprendre les choses, en ajoutant qu’il ne serait pas fâché d’en voir publier dans le Bulletin quelques passages, « avec ou sans critique ». Nous accédâmes très volontiers à son désir. Voici ce qui fut publié de sa lettre (Bulletin du 4 février) :


Si jamais mouvement est sorti spontanément des masses ouvrières, sans être venu d’un mot d’ordre quelconque, parti soit d’une coterie bourgeoise, soit d’un groupe de révolutionnaires, soit de quelques leaders (dirigeants) ouvriers, c’est bien ce mouvement-là. C’est de Gand que le premier mouvement est parti, et il y est né, comme je l’ai déjà dit au Congrès de Berne, à la suite de plusieurs accidents d’usines où des petits enfants ont été tués ou mutilés pendant le travail. Vous comprenez tout de suite qu’il y a là, en dehors de toute théorie socialiste ou autre, une double question qui a dû empoigner les ouvriers : une question d’humanité, envers les enfants mutilés, et une question d’intérêt, c’est-à-dire de salaire et de chômage, puisque ces enfants viennent dans la fabrique faire à vil prix, pour quelques centimes par jour, la besogne de l’ouvrier (en partie et imparfaitement).

Quant à nous socialistes, vieux membres de l’Internationale, nous savons

  1. Comme on le verra plus loin (p. 137), il y avait encore d’autres motifs à l’irritation du Vorwärts contre le Bulletin : nous avions dû qualifier sévèrement son attitude à l’égard des révolutionnaires russes.
  2. De ma part tout au moins. Les lettres de Malon à De Paepe, récemment publiées dans la Revue socialiste (1908), pourraient faire supposer que ce dernier, à partir de 1877, jouait un double jeu : mais je préfère ne pas m’arrêter à cette hypothèse.