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lequel étaient lâchement insultés les socialistes qui ont pris part aux mouvements d’août 1874 — est dû à la plume de Benoit Malon[1] ! Le Martello du 10 mars, qui nous apprend cette nouvelle, contient en même temps une énergique réplique, dans laquelle il flétrit vivement l’hypocrite et odieuse conduite de Malon dans cette affaire. Pour nous, nous nous bornons à faire connaître le fait à nos lecteurs, qui sauront bien en tirer les conséquences[2]. Il y a longtemps que nous avons signalé les intrigues de ce petit groupe de vaniteux ou de mouchards, les Bignami, les Terzaghi, les Nabruzzi, les Ingegneros, qui, tout en se déchirant entre eux, s’unissent dans un touchant accord pour attaquer la Fédération italienne de l’Internationale.


Il s’était fondé en Lombardie, au cours de l’année 1876, à l’instigation de Bignami et de quelques autres, un groupement qui avait pris le nom de Fédération de la Haute-Italie ; c’était une machine de guerre destinée à battre en brèche la Fédération italienne. Un Congrès de délégués de ce groupement fut annoncé pour la fin de février 1877 ; la Section de Pavie, qui avait d’abord accepté de marcher avec ces gens-là, mais qui venait d’ouvrir les yeux, donna à son délégué un mandat dont les considérants disaient que « la Fédération de la Haute-Italie s’était mise, par sa marche tout autre que révolutionnaire, en contradiction avec les aspirations du prolétariat italien » ; le délégué devait proposer que le groupement fit immédiatement adhésion à la Fédération italienne, et, si la proposition était rejetée, il devait se retirer. Le Bulletin du 11 mars annonça que la proposition de la Section de Pavie avait été rejetée par le Congrès : « en conséquence, la Section n’a pas voulu rester davantage dans un groupe dont les directeurs, bourgeois déguisés en socialistes, répudient le programme révolutionnaire de la Fédération italienne ». Dans ce même numéro, un ouvrier lombard donnait des détails sur la misère qui régnait dans la région. Le pain était à 54 centimes le kilo ; par contre, la journée des ouvriers était de 1 fr. 20, et celle des terrassiers de 80 centimes. « Et pendant que le prolétariat de Lombardie gémit dans cette situation atroce, ces messieurs de la Plebe font des congrès socialistes, où des messieurs en gants noirs et en chapeau de soie parlent de la nécessité d’améliorer le sort du peuple par l’instruction, la coopération, le suffrage universel et autres blagues. »

Je l’ai déjà dit, ces « messieurs en gants noirs et en chapeau de soie » étaient eu coquetterie réglée avec le socialisme allemand. L’un d’eux adressa au Vor-

  1. Malon se trouvait à Palerme depuis le mois de novembre 1876 avec Mme  André Léo, qui voulait faire entrer son fils André à l’École d’agriculture de cette ville. Mme  André Léo avait écrit à Mathilde Rœderer, de Viareggio (Toscane), à la date du 31 octobre 1876 : « Nous partons demain pour Palerme. Je crois que ce doux hiver me fera grand bien... Nous n’y resterons pas longtemps, l’année scolaire seulement. L’exil a cela de bon, qu’on peut voyager, n’ayant de racines nulle part. Ce ne sera pas M. Gambetta qui nous fera revenir plus tôt. Ah ! cet Italien ! il me répugne de plus en plus... Cela ne nous empêche pas d’être très contents du réveil ouvrier à Paris. Nous ne sommes pas des fanatiques du Jura ; et n’avez-vous pas vu que Malon est leur bête noire, comme il l’est des bakounistes en Italie ? » Il est vraiment risible de voir Mme  André Léo nous traiter de « fanatiques » au lendemain même du Congrès de Berne, où nous avions tendu la main aux démocrates socialistes d’Allemagne.
  2. Dans une lettre écrite à De Paepe le 6 octobre 1877 (publiée par Eugène Fournière dans la Revue socialiste en 1908), Malon dit : « Guillaume a menti en déclarant que le célèbre article du Povero, écrit par Ingegneros, était un monument de l’odieux et de l’hypocrisie de ma conduite ». On voit, par la reproduction textuelle du passage du Bulletin auquel Malon fait allusion dans cette lettre, que l’imputation qu’il repousse ne venait pas de moi : c’est le Martello, c’est-à-dire Andrea Costa, qui a dit, à tort ou à raison, que l’article du Povero était dû à la plume de Benoit Malon  ; c’est le Martello qui a qualifié sa conduite en l’appelant « hypocrite et odieuse ».