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révolutionnaires, ils ne peuvent et ne sauraient pactiser avec les partis bourgeois… La pétition sera mise au panier, et on s’occupera, comme du passé, de choses plus sérieuses que les pétitionnements. »

Notre Bulletin rappela aux Belges ce que le Volksstaat avait écrit en 1874 à propos d’une pétition analogue à la leur, que l’association autrichienne Volksstimme avait adressée à la Chambre des députés d’Autriche. « Nous pensons — avait dit le journal de Liebknecht et de Bebel — qu’après avoir vu leur pétition enterrée avec si peu de cérémonie, les ouvriers autrichiens comprendront une fois pour toutes que, par la voie parlementaire, ils ne peuvent pas même obtenir une minime amélioration de leur sort, à plus forte raison une amélioration radicale, et que ceux qui engagent la classe ouvrière à continuer dans cette voie sont, ou bien des hommes incapables et sans intelligence, ou bien des spéculateurs malhonnêtes et égoïstes. » (Voir t. III, p. 173.) Mais les meneurs des ouvriers flamands étaient bien décidés à faire la sourde oreille.

À Verviers, il s’était constitué, le 1er novembre, un cercle avant pour but « l’étude et la propagation des idées socialistes » ; il se donna pour nom l’Étincelle, cercle d’économie sociale. Ses fondateurs furent des ouvriers qui pendant des années avaient, dans le Mirabeau, lutté énergiquement pour la cause prolétarienne. Ce journal, à la suite d’intrigues dont je ne connais pas exactement le détail, était maintenant dominé par des influences qui tendaient à le transformer en un organe hostile à nos tendances ; une partie de ceux qui y avaient tenu ferme le drapeau du socialisme révolutionnaire, des hommes comme Émile Piette, Gérard Gérombou et quelques autres[1], s’étaient vus mis à l’écart : on refusait leurs articles, et on accueillait ceux de Sellier, un professeur français réfugié en Belgique, appartenant à la secte « positiviste », et qui, sous l’anagramme de Resille, attaquait et calomniait nos amis[2]. Le cercle l’Étincelle, fondé pour tenir tête à cette intrigue réactionnaire, fut un actif foyer de propagande ; et, grâce à son action, grâce aussi à l’intervention des Jurassiens et des Italiens, on verra, au cours de l’année 1877, les idées révolutionnaires reconquérir droit de cité dans le Mirabeau.

  1. Malon, qui était maintenant en froid avec ces militants, avait fait l’année précédente, dans une lettre à Mathilde Rœderer du 10 novembre 1875, leur éloge en ces termes : « Je voudrais vous intéresser à un journal socialiste belge dans lequel j’écris et qui est rédigé exclusivement par des ouvriers. Ce journal a pour rédacteur en chef un ouvrier tisserand qui ne sait pas très bien son orthographe, et pour inspirateur un groupe que vous aimeriez. Il y a surtout mes excellents amis Pierre Bastin, Gérard Gérombou et Mme Gérombou, qui sont véritablement charmants. Le journal n’est pas bien fait, tant s’en faut, mais toutes les observations qu’on fait à ce sujet sont reçues avec des remerciements et l’on en tient compte. Ces jeunes ouvriers veulent bien faire, il faut les aider. »
  2. Sellier écrivait, par exemple, dans le Mirabeau du 3 décembre 1876 : « L’autonomie semble être un mot jeté par la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière pour la diviser. L’autonomie a tué l’Internationale. L’autonomie, sachons-le bien, c’est la division : nous sommes pour la centralisation. » Cette attitude de Sellier — qui était un ami de De Paepe — nous força de lui donner sur les doigts. Le Bulletin du 14 janvier 1877 publia ce qui suit :
    « On nous affirme que le correspondant du Mirabeau qui signe Résille est le même personnage qui a publié, dans l’Économie sociale du 17 juin 1876, un article intitulé Confession d’un révolutionnaire. Dans cet article, l’auteur, M. Sellier, après avoir raconté sa participation aux événements de la Commune, avoue avoir signé à deux reprises une demande en grâce ; et il termine par des réflexions sur l’amnistie, dans lesquelles il engage les proscrits de la Commune à amnistier leurs bourreaux ! Voici quelques lignes de cette triste Confession : « Nous ne devons pas demander la revanche, malgré la cruauté de nos vainqueurs. Pardonnons-leur, cela est beaucoup plus philosophique ; mais que le pardon soit réciproque. Quant à ceux-là qui conservent toutes les passions de 1871, disait le président du Conseil des ministres, ils ne nous accordent pas l’amnistie, rious ne voulons pas la leur accorder. — Et si on vous l’accordait, monsieur le ministre ? » — Lorsque les ouvriers socialistes de la vallée de la Vesdre ont ouvert les colonnes de leur journal au correspondant Résille, ils ignoraient certainement que celui-ci fût l’auteur de ce plat agenouillement devant les bourreaux versaillais. »