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elle est ouverte à tous les travailleurs ; elle sauvegarde toute leur liberté d’action, en ne leur imposant aucune théorie. Le Congrès de 1877 peut-il demander davantage ? Que les groupes socialistes entrent en relations avec nous, notre Bureau fédéral est organisé pour correspondre avec eux, et le rapprochement tant désiré par nous tous se fera de plus en plus ; c’est ainsi que nous arriverons à la possibilité d’un pacte, et, si nous n’arrivons pas à la fusion complète des forces du prolétariat dans l’Internationale, nous vivrons du moins en paix et entreprendrons une action commune dans la mesure du possible.

La discussion fut interrompue à huit heures du soir, et trois quarts d’heure après s’ouvrit la troisième séance publique, dans laquelle s’acheva le débat sur la question : « Des rapports à établir entre les individus et les groupes dans la société réorganisée », débat qui a déjà été analysé plus haut (p. 104).


Une dernière séance fut tenue le dimanche matin, à neuf heures.

On y termina d’abord la discussion relative au Congrès socialiste universel.

Franz déclara qu’il était partisan d’une reconstitution de l’Internationale, mais que les bases proposées par Becker, dans la Tagwacht, pour cette reconstitution, lui paraissaient tellement vagues que tous les groupes possibles pourraient y entrer, sociétés de secours mutuels, sociétés politiques, etc. Franz trouve que l’entrée de pareilles sociétés dans l’Internationale serait non-seulement inutile, mais nuisible, car elle empêcherait l’Association d’aller de l’avant. L’Internationale doit rester une sorte d’avant-garde des masses travailleuses, le groupement des socialistes conscients, des propagandistes.

Greulich dit que l’Internationale telle que Franz venait de la définir serait une véritable aristocratie. La masse des travailleurs manque d’instruction théorique, mais elle n’en marche pas moins dans la véritable voie du socialisme : à preuve les Trade Unions anglaises et les syndicats parisiens. Tout mouvement qui part des travailleurs est bon et doit être respecté, quelque imparfait qu’il puisse paraître au début.

Reinsdorf répondit à Greulich que l’Internationale n’était pas une aristocratie, mais qu’elle ne pouvait, sans renoncer à son programme socialiste, admettre pêle-mêle chez elle tous les éléments, même les éléments réactionnaires. L’Internationale devra se faire représenter au Congrès universel pour faire mieux connaître ses idées et tâcher de les faire prévaloir.

De Paepe constata que Franz et Reinsdorf parlaient d’une Internationale qui lui paraissait n’être pas tout à fait celle d’autrefois. En effet, ils semblent mettre comme condition d’entrée dans l’Internationale l’adhésion à une doctrine sociale déterminée ; il n’en était pas ainsi dans les premières années, et rien, dans les considérants des statuts généraux, ne permet une aussi étroite interprétation. S’il en était autrement, nous ne serions plus l’Association internationale des travailleurs, mais celle des initiateurs. Chaque fois qu’une association ouvrière demande à entrer dans l’Internationale, il faut l’accepter. De Paepe ajouta que, quant à lui, il se ralliait complètement à la proposition de Guillaume, et qu’il pensait seulement qu’on pourrait ajouter, aux questions qui y étaient contenues, celle qui a été proposée par les socialistes du Danemark, l’établissement d’un bureau international de correspondance et de statistique.

Vahlteich se déclara d’accord avec De Paepe, ajoutant qu’il espérait qu’il serait possible de reconstituer, sur les bases d’autrefois ou sur d’autres, l’ancienne Internationale, à laquelle les socialistes d’Allemagne se joindraient volontiers de nouveau.

Malatesta s’exprima ainsi : « À notre point de vue, à nous autres Italiens, l’Internationale ne doit pas être une association exclusivement ouvrière ; le but de la révolution sociale, en effet, n’est pas seulement l’émancipation de la classe ouvrière, mais l’émancipation de l’humanité tout entière ; et l’Internationale, qui est l’armée de la révolution, doit grouper sous son drapeau tous les révolutionnaires, sans distinction de classe. En Italie, ce n’est pas par le trade-unionisme qu’on pourra jamais obtenir aucun résultat sérieux ; les condi-