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le Dr  Feringa et Douwes-Dekker (Multatuli) ; au point de vue de la propagande socialiste, notre ami Gerhard, d’Amsterdam, a publié dans le courant de cette année un beau travail, qui a été imprimé par les ouvriers de Gand, et qui est un véritable manifeste du communisme hollandais... Donc, sur le terrain politique, économique et intellectuel, la Hollande apporte son contingent au progrès social. Mais tout cela se fait en dehors de l’Internationale... Ajoutons que ce qui distingue encore le mouvement ouvrier hollandais du mouvement ouvrier belge, c’est que le premier n’a rien du souffle révolutionnaire qui anime les Belges, lorsqu’ils arborent le drapeau rouge. »

Le rapport se terminait ainsi : « Nous pourrions dire, pour terminer par une comparaison, que — sauf les proportions — le mouvement actif des Belges tend de plus en plus à prendre l’attitude des socialistes allemands (hormis sur le terrain électoral, où nous ne pouvons les suivre, n’ayant pas le droit de vote), tandis que le mouvement ouvrier des Hollandais semble se rapprocher davantage de la méthode des ouvriers anglais ».

Après De Paepe, je pris la parole pour compléter le rapport de la Fédération jurassienne, dont j’avais donné lecture au début de la séance, par quelques observations orales, qui sont résumées en ces termes par le Compte-rendu :


Tout à l’heure, De Paepe a parlé de la tactique des Belges, qui consiste à faire à la bourgeoisie, en attendant la grande lutte révolutionnaire, une guerre quotidienne sur toutes les questions d’un intérêt relativement secondaire qui peuvent se présenter. La Tagwacht aussi, dans un article où elle opposait la tactique du Schweizerischer Arbeiterbund à celle des Jurassiens, s’exprimait de la même façon, et disait qu’il fallait disputer le terrain pied à pied à la bourgeoisie, profiter de toutes les occasions pour la battre en détail et lui arracher pièce à pièce son influence. Il ne faudrait pas croire que sur ce point les Jurassiens se trouvent le moins du monde en désaccord avec les Belges et le Schweizerischer Arbeiterbund. Au contraire, ils suivent, eux aussi, cette tactique ; ils font, eux aussi, à la bourgeoisie cette guerre de détail et d’escarmouches. Ceux qui représentent les Jurassiens comme des théoriciens dédaigneux de la lutte quotidienne, vivant dans les nuages et attendant impassibles le jour de la grande révolution, ceux-là font un portrait de fantaisie inspiré par la malveillance. Les socialistes jurassiens profitent de toutes les circonstances propres à intéresser le peuple pour faire de l’agitation, pour intervenir dans la vie publique comme parti ayant son drapeau spécial, pour dénoncer la tactique hypocrite des partis soi-disant libéraux ; ils se mêlent à toutes les questions du jour et ne laissent jamais passer une occasion d’organiser une manifestation populaire.

Seulement, la façon dont ils interviennent dans la vie publique ne peut pas être la même que celle qu’ont adoptée les socialistes flamands et ceux de la Suisse allemande. Les questions de suffrage universel, d’abolition de la conscription, et autres semblables, au moyen desquelles on peut faire de l’agitation dans les Flandres, ne signifient plus rien chez nous, puisque nous vivons dans une république et n’avons pas d’armée permanente. De même, les questions qui paraissent préoccuper les ouvriers de la Suisse allemande, telles que la législation directe par le peuple, la séparation de l’Église et de l’État, la loi sur les fabriques, etc., ne nous offriraient aucune occasion de faire de la propagande socialiste parmi les ouvriers de notre région : en effet, ces questions-là forment chez nous, dans presque