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nales de langue allemande (?) ». Cette lettre est une attaque violente contre l’Internationale anti-autoritaire, à laquelle on prête un programme absurde, afin de prouver par là qu’aucun rapprochement n’est possible entre les représentants du socialisme scientifique, comme s’intitulent modestement les auteurs de la lettre, et les cerveaux fêlés de l’Internationale bakouniste.

Ce n’est pas la peine de démontrer, point par point, que les idées ridicules qui nous sont attribuées, dans cette lettre, ne nous appartiennent pas, et n’existent que dans l’imagination de ceux qui ont intérêt à dénaturer nos principes. Bornons-nous à un seul exemple :

« Ils [c’est-à-dire l’Internationale anti-autoritaire] veulent l’anarchie comme moyen, au lieu de la vouloir comme but final à atteindre[1], et réclament une révolution immédiate sans se préoccuper d’aucun des préparatifs nécessaires ; tandis que nous [les socialistes scientifiques] nous voulons que la révolution soit provoqués par la réaction elle-même, et nous voulons préparer les masses prolétaires, en les groupant, en les instruisant, en les organisant et en les disciplinant, à opposer un jour avec succès la force à la force et à s’emparer du pouvoir. Eux regardent par conséquent la révolution comme un fait qui peut être produit à volonté et par leur propre initiative ; tandis que nous, nous la regardons, dans ses causes et ses effets, comme un produit historique fatal et surgissant pour ainsi dire spontanément. »

Voilà les baroques idées qu’on nous prête, et cela après que, tout dernièrement encore (numéro du 27 août[2]), le Bulletin a développé dans un long article, auquel nous renvoyons nos lecteurs, notre théorie sur les révolutions, qui est précisément le contraire de celle qui nous est attribuée par les auteurs de la lettre !

Nous ignorons quelles sont les personnalités qui forment ce soi-disant Comité central de Genève[3] ; mais nous espérons que les socialistes allemands n’écouteront pas leurs funestes conseils. Venir, au nom du socialisme scientifique, prêcher l’éternisation des discordes ; jeter le ridicule sur les tentatives faites pour rapprocher les diverses fractions du parti ouvrier ; représenter ces tentatives comme une manœuvre perfide des « bakounistes » ; et cela au moment où, d’Allemagne, les champions les plus connus de la démocratie socialiste de ce pays applaudissent à l’idée de la réconciliation, — tout cela révèle tant de fiel dans le cœur de ceux qui sont capables d’agir de la sorte, que nous les plaignons bien sincèrement.

Le parti socialiste, dans son ensemble, jugera entre eux et nous.

Nous, le jour même où nous venions d’accompagner au cimetière le cercueil d’un ami que la calomnie avait cherché à couvrir d’opprobre, nous votions cette résolution qui a été le point de départ du mouvement actuel de conciliation : « Considérant que nos ennemis communs nous poursuivent de la même haine... » [pour le texte complet de la résolution, voir ci-dessus p. 38].

  1. Cette phrase reproduit une assertion identique de Marx dans la circulaire privée Les prétendues scissions, etc. : voir tome II, p. 298.
  2. Voir ci-dessus, pages 74-76.
  3. La Tagwacht n’avait encore donné que la première moitié de lettre ; les signatures ne parurent que dans le numéro suivant.