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Une des questions qui avaient motivé, en 1870, la scission entre les deux fractions de l’Internationale dans la Suisse française — scission qui se propagea bientôt dans l’Internationale tout entière — était celle des candidatures ouvrières, ou de la participation des socialistes à la politique électorale.

La Solidarité, tout en défendant le point de vue des Jurassiens, déclara toujours que cette question-là était une question de tactique, qui pourrait être résolue de différentes façons suivant les pays et les circonstances. Voici quelques passages d’un article de ce journal qui ne laissera aucun doute sur la façon large, dépouillée de tout doctrinarisme, dont les Jurassiens traitèrent cette question dès le début de la querelle : « …..[1] »

Nous terminons, pour aujourd’hui, cette revue rétrospective en reproduisant l’appréciation de la Solidarité sur la presse socialiste en 1870. Si l’on se rappelle que les journaux de langue allemande, et particulièrement la Tagwacht et le Volksstaat, se livraient en ce moment même à une violente polémique contre les Jurassiens, on appréciera le sentiment d’impartialité qui poussait la Solidarité à engager les sections jurassiennes à s’abonner à tous les journaux socialistes sans distinction.

Après avoir énuméré tous les organes que comptait alors le parti socialiste en Europe, la Solidarité ajoutait : « … Nous voudrions qu’autant que possible chaque section fût abonnée à plusieurs journaux du dehors… Quant au journal allemand, il y a à choisir entre le Vorbote, la Tagwacht, le Volkswille et le Volksstaat. Le Vorbote (de Genève) est très bien écrit et contient des articles de doctrine dignes d’être lus, mais il ne paraît qu’une fois par mois… ; la Tagwacht (de Zürich) paraît toutes les semaines, mais elle ne s’occupe presque que de questions cantonales zuricoises ; du Volkswille (de Vienne) nous ne pouvons rien dire, ne l’ayant jamais reçu, quoique nous lui ayons envoyé régulièrement la Solidarité… Reste le Volksstaat, qui nous paraît à tous égards être le plus recommandable des journaux socialistes allemands, pour ceux qui veulent avoir chaque semaine une idée de ce qui se passe ; c’est d’ailleurs notre organe officiel en Allemagne. » (Solidarité du 20 juin 1870.)

Ainsi donc, au plus fort de la lutte entre marxistes et bakounistes, le journal des socialistes du Jura recommandait la lecture du Volksstaat : tant les Jurassiens étaient étrangers à tout esprit sectaire, tant ils désiraient la paix et la solidarité !


La Fédération jurassienne, après son Congrès des 6 et 7 août, se vit renforcée par de nouvelles adhésions, tandis qu’une activité pleine d’entrain continuait à se manifester au sein de ses sections. Une section de langue allemande se constitua à Lausanne (procès-verbal du Comité fédéral, du 17 août). Le Bul-

  1. La citation qui était ici faite, extraite de la Solidarité du 4 juin 1870, se trouve déjà au tome II, de la ligne 8 à la ligne 39 de la p. 43. On y lit entre autres : « Si les Anglais, les Allemands, les Américains… croient servir la cause du travail au moyen des candidatures ouvrières, nous ne pouvons leur en savoir mauvais gré… Après tout, ils sont plus compétents que nous pour juger de la situation chez eux… Mais nous demandons à être mis au bénéfice de la même tolérance. Nous demandons qu’on nous laisse juger quelle est la tactique qui convient le mieux à notre position, sans en conclure dédaigneusement à notre infériorité intellectuelle. »