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en rééditant contre lui la vieille calomnie, inventée par la police prussienne et par les préfets de M. Gambetta, que c’était un agent russe, et surtout en la présentant sous cette forme perfide et lâche qui consiste à dire que, pour son propre compte, le journaliste voudrait pouvoir regarder l’accusation comme erronée, mais que beaucoup de bons socialistes, gens impartiaux, y croient et ont à l’appui de leur opinion des motifs plausibles, — est-ce ainsi qu’on entend ramener dans le camp du travail la concorde et les sentiments de fraternité ?

Heureusement que le rédacteur de la Tagwacht ne représente pas l’opinion des ouvriers socialistes de langue allemande. Ceux que nous avons entendus à Berne, et qui appartenaient tous à l’Arbeiterbund, se sont exprimés d’une façon bien différente : ils ont tous rendu à la mémoire de Bakounine un hommage de respect et de reconnaissance ; ils ont déclaré qu’en face de cette tombe où ils venaient de déposer avec nous le vieux champion de la révolution internalionale, la calomnie n’oserait poursuivre son œuvre lâche et dissolvante (ils se trompaient, hélas !) ; ils ont dit enfin que le nom de Bakounine brillerait au Panthéon de l’histoire, comme celui d’un homme qui avait lutté et souffert toute sa vie pour la cause du prolétariat, et qu’il n’y avait que des misérables (« Schurken ») qui pussent être capables de vouloir réchauffer encore les vieilles inimitiés pour empêcher l’union des socialistes de s’accomplir. Nous prenons à témoins tous ceux qui étaient présents que tel a été le langage textuel des socialistes allemands dans la réunion de Berne.

Nous avons donc le droit de penser que l’article de la Tagwacht ne représente rien d’autre que le sentiment personnel de celui qui l’a écrit, et qu’il aura froissé les lecteurs de ce journal, lesquels, nous l’espérons, partagent tous le désir d’union fraternelle qui se manifeste en ce moment chez les socialistes de tous les pays du monde.


Greulich ne fut pas le seul, dans la Suisse allemande, à partir en guerre contre nous et contre tous ceux qui voulaient la concorde. Un certain Franz, qui avait rédigé autrefois le Proletarier d’Augsbourg, et qui maintenant gérait la librairie « socialiste » de Zürich, voulut opposer à nos paroles de paix un antidote, sous les espèces du dégoûtant pamphlet marxiste de 1873. Voici ce que dit à ce sujet le Bulletin (6 août):


Le citoyen Franz, gérant de la Volksbuchhandlung (librairie du peuple) à Zürich, a tenu à apporter aussi, à sa façon, sa pierre à l’édifice de la conciliation. Tandis que les socialistes de diverses nuances (y compris celle de l’Arbeiterbund), réunis à Berne le 3 juillet, ont déclaré unanimement qu’il fallait « oublier de vaines et fâcheuses dissensions passées », le citoyen Franz croit au contraire le moment opportun pour réchauffer les haines et remettre en lumière les injures et les calomnies dont nous ne voulions plus nous souvenir. Il possède, à ce qu’il paraît, dans quelque coin de sa boutique, un solde invendu d’un insipide pamphlet rédigé jadis par l’ex-proudhonien Longuet[1] sous la dictée de son beau-père Karl Marx, et

  1. Comme je l’ai expliqué ailleurs, nous avions attribué, par erreur, la rédaction de la brochure L’Alliance de la démocratie socialiste à Longuet, tandis que celui-ci n’y était pour rien. Voir t. III, p. 149.