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25 novembre 1872.

Mon cher ami, la lettre qui m’a été envoyée[1] est arrivée à temps, et a fait son œuvre. Si je n’ai pas écrit plus tôt, et si, même en ce moment, je n’envoie que ces quelques lignes, c’est parce que j’ai besoin que vous m’envoyiez, si possible, une autre adresse strictement commerciale, à laquelle je puisse vous écrire. En conséquence de l’extradition de X. et des intrigues de son maître B., je suis très inquiet pour vous et pour quelques autres amis. Ces hommes sont capables de toutes les infamies[2].

12 décembre 1872.

Cher ami, Parce qui est inclus[3] vous apprendrez les résultats du Congrès de la Haye. J’ai lu à la Commission d’enquête sur l’Alliance[4], sous le sceau du secret et sans nommer le destinataire, la lettre à L.[5] Cependant le secret n’a pas été gardé, premièrement parce qu’il y avait dans la Commission l’avocat belge Splingard, qui en réalité n’était qu’un agent des alliancistes[6] ; secondement parce que Joukovsky, Guillaume et Cie, prenant les devants, avaient raconté à l’avance toute l’affaire à droite et à gauche à leur façon et en lui donnant un tour apologétique (zweitens weil Joukowsky, Guillaume et Cie die ganze Sache vorher — um vorzubeugen — in hirer weise und mit apologetischen Wendungen erzählt hatten rechts und links[7].) C’est ainsi qu’il arriva que la Commission, dans son rapport au Congrès, se vit forcée de communiquer les faits relatifs à B. et contenus dans la lettre à L.[8] (naturellement, je n’avais pas donné son nom, mais les amis

  1. La lettre de Netchaïef n’avait pas été envoyée à Marx par M. Nicolas ...on lui-même, comme on pourrait le croire d’après ce passage qui prête à équivoque, mais directement par Lioubavine. (Communication de M. Hermann Lopatine.)
  2. Marx donne à entendre — ou ce passage n’a pas de sens — qu’il croit Bakounine capable, par vengeance, de dénoncer M. Nicolas ...on à la police russe.
  3. Probablement quelque article de journal.
  4. Évidemment dans la séance du samedi après-midi, 7 septembre. Voir t. II, p. 345 ; j’ai dit à cet endroit : « Marx n’apporta pas de nouveaux documents ; il avait tout fait présenter par Engels : que put-il dire à la Commission ? » Je me trompais : Engels avait présenté les pièces relatives à l’Alliance, mais Marx s’était réservé de communiquer lui-même le papier reçu de Russie, la « pièce secrète et confidentielle »
  5. Ne croirait-on pas lire un épisode de l’affaire Dreyfus ?
  6. Il eût fallu, comme on voit, pour que tout allât bien au gré de Marx, que la minorité ne fût pas représentée par un seul membre au sein de la Commission ; mais la majorité, si bien stylée qu’elle fût, n’avait pas osé aller jusque-là. Roch Splingard n’était pas avocat, que je sache : c’est son frère Pierre Splingard, l’un des rédacteurs de la Liberté, qui l’était.
  7. Je ne me rappelle pas que nous ayons rien raconté à l’avance : ne nous attendant pas à la manœuvre à laquelle Marx allait se livrer, comment aurions-nous songé à « prendre les devants » ? Mais, lorsque nous connûmes le rapport de la majorité de la Commission, nous « racontâmes l’affaire » telle qu’elle s’était réellement passée, et non pas telle que Marx, aveuglé par la haine, la présentait à ses séides.
  8. Dans cette phrase, Marx voudrait faire croire à son correspondant que la Commission a été forcée de communiquer au Congrès « les faits contenus dans la lettre », et il s’en excuse en disant qu’elle a dû le faire à cause de nous, à cause de notre prétendue indiscrétion. Quel jésuitisme ! comme s’il n’avait pas fait venir la lettre à Lioubavine dans le dessein exprès de s’en servir pour calomnier publiquement Bakounine ! et comme si c’était « communiquer les faits contenus dans la lettre » que d’écrire cette phrase : « Les soussignés déclarent... que le citoyen Bakounine s’est servi de manœuvres frauduleuses tendant à s’approprier tout ou partie de la fortune d’autrui, ce qui constitue le fait d’escroquerie ; qu’en outre, pour ne pas devoir remplir ses engagements, lui ou ses agents ont eu recours à l’intimidation » !