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La société actuelle est tellement bien entrée dans la voie du communisme, qu’elle a donné à tous les citoyens le suffrage universel, qui n’est pas autre chose que la base solide et inébranlable du communisme. Oh ! sans doute tout n’est pas fait, et il faudra encore bien du temps et de la patience pour arriver au but complet, mais on y arrivera à coup sûr[1].

La société de l’Internationale pourrait faire beaucoup de bien si, au lieu de demander des chimères,... elle réclamait pour la classe ouvrière la seule chose qui soit possible : L’extension à tout le monde du droit à être fonctionnaire de l’État...

Il faut au peuple un programme clair, simple et basé sur des faits qu’il comprend et qu’il voit tous les jours. Il refuse tout ce qui est compliqué. Il doit se dire : Il y a six millions de fonctionnaires en France, pourquoi tout le monde ne le serait-il pas ? Il n’y a aucune puissance qui puisse dire que cela n’est pas juste. On ne peut pas dire que le fonctionnarisme soit une utopie, puisqu’il existe déjà énormément dans notre société actuelle. On ne peut pas dire qu’on veut détruire la société, puisqu’on ne veut qu’agrandir le fonctionnarisme qui existe et l’étendre à tout le monde.

Jusqu’à présent on a dit au peuple :

Veux-tu le fouriérisme ? — Non !

Veux-tu le saint-simonisme ? — Non !

Veux-tu l’an-archie de Proudhon ? — Non !

Veux-tu les coopérations socialistes ? — Non !

Veux-tu les groupes collectivistes ? — Non !

Veux-tu la Commune ? — Non !

Veux-tu étudier la question sociale ? — Non !

Veux-tu être fonctionnaire ? — Oui, oui, oui, trois fois oui !

Tout le monde veut et espère devenir fonctionnaire. Voilà la vérité.

Voilà la solution sociale que vous cherchez. Elle est trouvée depuis longtemps, et, qui plus est, elle existe dans notre société actuelle.

C’est le fonctionnarisme !


Ç’avait été une véritable bonne fortune pour nous que d’avoir à publier un si naïf exposé, fait avec bonne foi, du programme des communistes d’État. Dans son numéro suivant, le Bulletin fit au bonhomme Chabaury la réponse que voici :


Quelques-uns de nos lecteurs nous ont demandé si la lettre signée J. B. C. n’était pas simplement le produit de notre imagination, et si nous ne l’avions pas fabriquée dans le but de blaguer les communistes d’État. Il est vrai que si notre correspondant J. B. C. avait voulu, de propos délibéré, faire la caricature de certaines doctrines communistes, il n’aurait pas eu à s’y prendre autrement qu’il ne l’a fait : les idées fondamentales de sa lettre ne sont autre chose que l’exposé, sous une forme bizarre, du programme de ces socialistes qui veulent tout centraliser entre les mains de l’État. Nous reconnaissons donc que la supposition faite par quelques lecteurs du Bulletin, à l’égard de la paternité de la lettre en question, pouvait avoir pour elle une certaine vraisemblance ; mais elle n’en est pas moins inexacte :

  1. On le voit, le Jules Guesde du Parti ouvrier français avait trouvé un précurseur en J.-B. Chabaury.