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nof savent en outre que Bakounine, lorsqu’il eut découvert les procédés jésuitiques de Netchaïef, en fut révolté et rompit toute relation avec lui[1]. Si quelqu’un a pu croire, en 1870, que Netchaïef, en envoyant à Lioubavine la « résolution du Comité », agissait d’accord avec Bakounine, personne, sans doute, ne persiste aujourd’hui dans cette erreur, et je suis persuadé que M. Nicolas ...on lui-même n’hésitera pas à proclamer sa conviction que Bakounine fut complètement étranger à la rédaction et à l’envoi de cette pièce.

Je regrette de ne pouvoir imprimer à cette place le texte même de la « pièce secrète », que je n’ai pu me procurer encore. Peut-être me sera-t-il possible de le donner dans mon tome IV et dernier.

Mais les lettres de Marx à son correspondant de Saint-Pétersbourg nous racontent des détails instructifs. Et je vais placer sous les yeux du lecteur, pour son éducation, tous les passages de ces lettres relatifs à Bakounine et au Congrès de la Haye ; le premier est du 28 mai 1872, le dernier du 2 août 1873. À ma demande, M. Nicolas ...on a bien voulu m’envoyer une copie de ces divers passages, dans la langue originale (l’allemand pour les lettres des 28 mai et 12 décembre 1872, l’anglais pour les autres lettres), de laquelle je les traduis :


28 mai 1872.

... Un des charlatans (Marktschreier) qui habitent la Suisse, M. Bakounine, joue de tels tours (spielt solche Streiche) que je serais très reconnaissant pour tout renseignement exact sur cet homme : 1° sur son influence en Russie ; 2° sur le rôle qu’a joué sa personne dans le célèbre procès [de Netchaïef].

15 août 1872.

... Aujourd’hui je vous écris en toute hâte pour un objet spécial, qui est du caractère le plus urgent.

B-ne a travaillé secrètement depuis des années à saper l’Internationale, et il a été maintenant si bien pressé par nous qu’il a dû enfin jeter le masque et se séparer ouvertement avec les imbéciles dirigés par lui[2]. C’est le même homme qui avait dirigé l’affaire N-f. Or, ce B. avait été autrefois chargé de la traduction russe de mon livre ; il a touché l’argent d’avance, et, au lieu de fournir du travail[3], il a envoyé ou fait envoyer à Lioubavine (c’est le nom, je crois), qui avait traité de l’affaire avec lui au nom de l’éditeur, une lettre très infâme et compromettante. Il serait de la plus haute utilité pour moi que cette lettre me fût envoyée immédiatement. Comme c’est une affaire simplement commerciale, et comme, dans l’usage à faire de la lettre, on ne nommera aucun nom, j’espère que vous me procurerez cette lettre. Mais il n’y a pas de temps à perdre. Si la lettre doit m’être envoyée, il faut qu’elle soit envoyée immédiatement, car à la fin de ce mois je quitterai Londres pour aller au Congrès de la Haye.

Sincerely yours, A. Williams[4].

  1. Voir mon t. II, pages 61 et suivantes.
  2. Allusion à la résolution de la Conférence de Rimini : voir t. II, p. 312.
  3. Bakounine, on l’a vu (t. Ier,p. 261), s’était mis très sérieusement à la traduction du Kapital ; et M. Nicolas ...on, dans l’article de Minouvchié Gody, nous apprend — chose que j’avais ignorée jusqu’ici — que Bakounine envoya à l’éditeur le manuscrit de la traduction d’une partie du chapitre Ier.
  4. C’était le pseudonyme dont Marx signait le plus souvent ses lettres a M. Nicolas ...on.