Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout au plus si elle trouvera un accueil favorable dans la presse soudoyée par la police, ou bien dans les rangs de cette fameuse Internationale russe[1], dont il est bien permis à M. Marx de se vanter, mais qui n’en est pas moins complètement ignorée dans notre pays. Nous lui abandonnons généreusement ce succès.

Comptant sur votre justice, nous espérons que vous ne nous refuserez pas l’insertion de cette lettre dans les colonnes de votre estimable journal.

Nicolas Ogaref. — Barthélémy Zaytsef. — Woldemar Ozerof. — Armand Ross. — Woldenar Holstein. — Zemphiri Ralli. — Alexandre Œlsnitz. — Valérian Smirnof[2].


Une publication faite tout récemment (janvier 1908) dans une revue de Saint-Pétersbourg, Minouvchié Gody (« Années écoulées »), a jeté plus de lumière sur ce qui s’était passé à la Haye au sein de la Commission d’enquête, et sur la « preuve » fournie par Marx à l’appui de l’accusation d’escroquerie et de chantage qu’il formula contre Bakounine. Ce sont un certain nombre de lettres écrites par Marx, avant et après le Congrès de la Haye, à M. Nicolas ...on, un publiciste fort connu en Russie.

Marx apprit, dans le courant, semble-t-il, du mois d’août 1872 (probablement par Outine), l’histoire de la lettre écrite, au printemps de 1870, par Netchaïef à propos de la traduction russe du Kapital[3]. Cette lettre avait été adressée non pas, comme je l’avais cru, à l’éditeur Poliakof lui-même (voir tome Ier p. 261), mais à la personne qui avait servi d’intermédiaire entre Poliakof et Bakounine, un certain Lioubavine (il n’y a plus de raison, m’a-t-on affirmé, pour ne pas donner son nom en toutes lettres, M. Lioubavine ayant aujourd’hui des opinions qui lui assurent les sympathies du gouvernement russe). Marx écrivit aussitôt à M. Nicolas ...on, qui était son correspondant habituel à Saint-Pétersbourg, pour demander si celui-ci ne pourrait pas lui procurer la lettre de Netchaïef, dont Marx voulait se servir comme d’une arme contre Bakouuine au Congrès de la Haye. M. Nicolas ...on fit part de cette demande à Lioubavine, lequel s’empressa d’envoyer à Marx le document souhaité. Marx le fit voir à la Haye à la Commission d’enquête, comme une pièce secrète, dont il était interdit de mentionner l’existence.

Après avoir lu l’article des Minouvchié Gody, j’ai écrit à M. Nicolas ...on pour le prier de vouloir bien me communiquer le texte de la lettre de Netchaïef, afin de publier ce texte dans le présent volume. Il m’a répondu, par l’intermédiaire obligeant de M. Hermann Lopatine, qu’il ne possédait pas ce document, ni en original, ni en copie, mais il m’a donné, sur le contenu de cette pièce, qu’il a vue lui-même autrefois, les indications suivantes :


Le document n’est pas une lettre adressée personnellement par Netchaïef à Lioubavine, mais une résolution officielle du Comité révolutionnaire, écrite sur du papier portant l’en-tête officiel du Comité, et communiquée comme menace à Lioubavine pour sa gouverne. Bien que le nom de Netchaïef ne figure pas sur cette pièce, aucun des intéressés ne douta qu’elle vînt de lui, et on s’imagina, en outre, que Bakounine avait dû être au courant de son contenu et de son envoi, et avait approuvé la démarche de Netchaïef.


Chacun sait, aujourd’hui, que le « Comité révolutionnaire », à partir de 1870 tout au moins, c’était Netchaïef lui-même, seul, agissant dictatorialement. Tous ceux qui ont lu la Correspondance de Bakounine publiée par Dragoma-

  1. La soi-disant « Section russe » d’Outine (voir t. Ier, p. 288).
  2. Cette lettre a été reproduite par le Bulletin du 10 novembre 1872.
  3. Comme on le verra dans l’Appendice du présent volume, Marx connaissait dès 1870 l’histoire de la lettre de Netchaïef, et il avait demandé alors à Hermann Lopatine de lui communiquer la copie qu’il possédait de cette pièce, ce que celui-ci refusa de faire. Néanmoins, dans sa lettre du 15 août 1872 à Nicolas ...on (p. 14), Marx, chose singulière, parle comme s’il venait d’apprendre l’existence de ce document. Peut-être Outine ne lui donna-t-il qu’en août 1872 l’idée de s’en servir ?