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Reste à déterminer ce que devrait être cette action, et nous voudrions voir le meeting s’en occuper.

Ce sont là de graves questions que, selon nous, il importe d’étudier.

La république radicale est-elle le champ de bataille de la république révolutionnaire, et une phase inévitable de la transformation sociale ? ou bien, ainsi que le prétendent certains anarchistes, est-elle — comme perfectionnement d’une chose mauvaise, l’État — une simple rétrogradation ?

Ne peut-on pas objecter aux partisans de cette dernière opinion :

1° Que lorsqu’on n’a pas la république, on veut d’abord la conquérir ; c’est perte de temps ;

2° La monarchie attaque et corrompt les forces vives d’une nation, une république passable les développe ; il se fait toujours plus de socialistes sous une république que sous une monarchie.

Un dernier mot.

N’y a-t-il pas une distinction à faire entre l’État politique et l’Etat économique ?

La nécessité d’abolir le premier par la destruction, au nom des grands intérêts du genre humain, de ses principaux organes : armée, magistrature soldée, police centrale, etc., ne saurait faire de doute ; mais le progrès des temps a introduit dans l’organisation politique une foule de services administratifs et répartitifs, comme les bibliothèques, les postes, les télégraphes, les observatoires, les poids et mesures, etc., qu’il importe de réformer ou transformer, mais non d’abolir ; et même le socialisme tend à augmenter le nombre de ces services publics, dont un grand nombre, il est vrai, seront communaux, mais dont aussi un certain nombre doivent être régionaux, nationaux ou continentaux ; c’est ce qui a fait dire avec beaucoup de raison au compagnon De Paepe que le socialisme tendait à substituer à la centralisation politique une centralisation économique[1]. Ceci admis, suffirait-il, pour réaliser l’égalité sociale, de déclarer, un jour de révolution, que l’État est aboli, et que les groupes et les communes sont chargés de pourvoir à leurs intérêts comme ils l’entendront ? Selon nous, il y aura d’autres mesures à prendre, qui sortent du programme anarchiste[2].


Compagnons,

Tels sont les graves problèmes sur lesquels nous avons voulu appeler votre attention, et nous lirons avec intérêt les avis que vous émettrez, nous réservant comme de juste de les discuter.

Quant à présent, nous pensons que les socialistes doivent s’abstenir d’impuissantes déclarations doctrinales, et travailler, par la propagande

  1. J’ai déjà fait remarquer (t. III, p. 220) que Bakounine avait dit cela avant De Paepe.
  2. Tel que l’entendent et l’observent, par exemple, les Jurassiens et les Espagnols, qui, dans la pratique, diffèrent totalement de la majorité des anarchistes russes et italiens. On sait que ces derniers repoussent l’abstention politique et croient qu’en toutes circonstances les socialistes doivent se mêler aux mouvements populaires. (Note de Joseph Favre et B. Malon.)