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des fouilles dans l’espoir de trouver des fusils. C’est ainsi que, dès mon entrée à la Banque, j’eus à repousser le chef de bataillon qui commandait au Palais-Royal, et ses visites se sont renouvelées plusieurs fois. Dans ces occasions graves j’eus à intervenir personnellement, et je déclare que toute l’énergie bien connue de mon caractère était à peine suffisante pour empêcher l’occupation de la Banque par les bataillons fédérés... Or, je le déclare hautement, parce que c’est ma conviction profonde : Si la nouvelle de l’occupation de la Banque par les bataillons de la Commune s’était répandue dans Paris, le crédit de la Banque était immédiatement atteint, et ses billets n’étaient plus que de véritables assignats. Dans la crise aiguë que nous traversions, ... il fallait à tout prix sauvegarder intacte et entière cette dernière monnaie fiduciaire, car, le jour où elle aurait disparu, on n’aurait pas su comment on aurait payé le lendemain le pain de son boulanger... En allant au fond des choses, on est forcé de se dire que la Banque n’est qu’un instrument composé de billets et d’argent, avec lequel on peut faire ce qu’on veut. Jusqu’à présent cet instrument n’a servi que le capital, mais il n’est pas déraisonnable de penser et de dire qu’on pourrait l’utiliser au profit du travail. »

Une nouvelle lettre de Lefrancais parut dans le Bulletin du 7 mai ; on y lit :

« Ma première lettre avait surtout pour but de rappeler que le citoyen Ch. Beslay ne pouvait prétendre au titre de sauveur de la Banque de France, cette institution n’ayant jamais couru aucun danger. Notre ami déclare lui-même qu’ayant demandé à remplir son mandat sans aucune intervention armée, il a toujours été d’accord sur ce point avec le pouvoir exécutif de la Commune. Nous voilà ainsi d’accord, le citoyen Ch. Beslay et moi.

« Il est donc bien reconnu maintenant que notre ami n’a point eu à sauver la Banque, malgré l’énergie qu’il a dû déployer contre un bataillon de fédérés qui, sans ordres, avait tenté de l’occuper. Le désaveu immédiat de cette mesure par le second Comité de salut public, et la démarche de ce Comité auprès du citoyen Beslay pour inviter ce dernier à retirer sa démission, indiquent suffisamment que l’énergie de notre vieil ami n’eut point à subir une trop rude épreuve en cette occasion.

« Quant à son opinion sur le fond même de la question, je persiste à croire que s’emparer de la Banque de France eût été, de la part de la Commune, un acte légitime et conforme aux intérêts du prolétariat qu’elle avait pour mission de faire triompher. Je persiste également à penser qu’en laissant ce puissant levier d’action entre les mains des ennemis acharnés de la Commune, tous les membres de la représentation communale sont responsables de cette défaillance, et des conséquences à jamais déplorables que cette défaillance a entraînées avec elle. »


Le vieux Raspail, qui était alors dans sa quatre-vingt-troisième année, avait présenté en mars à la Chambre des députés une proposition d’amnistie plénière. Cette proposition obtint cinquante voix (18 mai). « C’est là, dit le Bulletin, un résultat qui nous a grandement surpris ; nous n’aurions pas cru qu’il se fût trouvé cinquante députés assez humains pour vouloir mettre un terme aux tortures qu’on fait subir aux malheureux martyrs de l’idée socialiste... La discussion a eu cet avantage, de faire établir une statistique approximative des victimes immolées ou condamnées par le parti de l’ordre. On saura désormais que les réactionnaires avouent qu’il y a eu dans Paris, sans compter les combattants tombés pendant la lutte, dix-sept mille personnes fusillées sans jugement après la bataille, et quarante mille personnes arrêtées. M. Clemenceau a ajouté que, selon d’autres évaluations, le chiffre de dix-sept mille fusillés n’était pas assez élevé. Un député de Paris, M. Lockroy, a dit : « Nous avons constaté un manque, un trou, de cent mille ouvriers dans l’industrie parisienne ». Voilà les chiffres avoués à la Chambre : qu’on juge de ce qu’a dû être la réalité. »


Notre correspondant de Verviers nous annonça que le 18 mars avait été célébré en Belgique : « À Verviers, un meeting a été tenu le samedi et une confé-