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lution en Italie, avec une douzaine d’autres délégués venus d’Allemagne, de Suisse, de France, d’Angleterre, etc. Les dépositions de tous les autres témoins ayant mis à néant cette affirmation, Mazza se borna à répéter que la chose lui avait été dite par une personne bien informée.

« ... Parmi les témoins à décharge, les deux principaux ont été l’illustre poète Giosuè Carducci, professeur à l’université de Bologne, et le comte Aurelio Saffi, l’ex-triumvir de la République romaine et le chef actuel du parti mazzinien.

« Le premier a dit que Costa avait suivi ses leçons comme étudiant, et qu’il avait regretté de le voir quitter l’université, parce que c’était le meilleur de ses élèves... Parlant ensuite de l’Internationale, il a dit que le monde était plein de nouvelles idées et de nouveaux besoins qui réclament une satisfaction pratique ; aussi le moment n’est-il pas éloigné où une nouvelle forme de vie sociale se sera frayé la voie. Quelle sera cette forme, a-t-il ajouté, je ne saurais le dire, mais il est certain que l’Internationale renferme en elle les germes de la solution de beaucoup de problèmes sociaux ; aujourd’hui, en présence du vieil édifice qui croule et du nouveau qui va surgir, mais dont on ne peut pas distinguer encore même les fondements, entre le scepticisme utilitaire d’un côté et l’utopie généreuse de l’autre, il est bien facile que les jeunes gens d’intelligence et de cœur soient entièrement attirés par les idées de l’Internationale.

« Saffi, avec beaucoup de calme et de dignité, a parlé longuement des tristes conditions faites à l’Italie par les classes dirigeantes ;... il a stigmatisé la politique d’expédients et l’esprit d’intrigues qui jusqu’à présent ont présidé à la direction des affaires publiques. Puis il a rendu hommage à la bonne réputation de ceux des accusés qui sont connus de lui. Lorsqu’il eut fini, il s’est fait présenter à Costa, en lui disant qu’il était heureux de faire sa connaissance, parce qu’entre les hommes de cœur, malgré la différence des idées, il y a toujours un lien supérieur et indissoluble. »

Du 8 au 10 mai, les audiences furent consacrées au réquisitoire, prononcé successivement par le substitut du procureur général et le substitut du procureur du roi ; le réquisitoire divisait les accusés en différents groupes : ceux de Bologne ; ceux d’Imola, les plus nombreux; ceux de Persicelo ; ceux de Ravenne ; ceux des Marches et de l’Ombrie ; enfin ceux des Abruzzes. Notre correspondant — ce n’était plus Barbanti, mais Costa lui-même — nous disait, à propos de l’audience du 16 mai, où fut achevé l’interminable réquisitoire : « Le banc des accusés est plus animé et plus gai que de coutume : ils ont reçu la nouvelle que les internationaux de Rome ont été absous, et se félicitent de la déconfiture du ministère public ».

Un premier envoi de 218 fr. avait été fait au commencement d’avril, par le Comité fédéral jurassien, aux détenus de Bologne. Ceux-ci répondirent par une lettre collective datée du 14 avril, disant : « Chers compagnons, Nous avons reçu votre fraternelle offrande. Nous ne vous adressons pas de remerciements, parce que ce n’est pas de mise entre frères ; mais nous ne pouvons ne pas vous exprimer nos sentiments de gratitude ; et nous sommes assurés qu’ils seront bien accueillis... Nous avons plus que jamais acquis la conviction qu’aucune transaction n’est possible entre nous et nos exploiteurs ; et, libres ou condamnés, nous ne cesserons pas de nous montrer dignes de la Révolution sociale et de l’avenir. Nous sommes jeunes, et sans autre mérite que notre amour pour le genre humain ; mais c’est là ce qui fait notre force, et ce qui nous soutiendra dans les luttes difficiles où nous sommes engagés. Salut, frères, salut et émancipation ! »

Barbanti nous avait écrit que le procès touchait à sa fin : cependant il devait durer jusqu’au 17 juin encore. Nous en verrons le dénouement au chapitre suivant.

Le 11 mai s’était ouvert le nouveau procès des internationalistes de Rome, condamnés en mai de l’année précédente, et renvoyés, par décision de la Cour de cassation de Florence, qui avait annulé la sentence des premiers juges, devant une section de la cour d’assises de Rome. Après cinq jours de débats, le jury rendit un verdict d’acquittement : ce verdict, venant à la suite des ver-