Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est imposée à personne ». De quel immense progrès dans les idées cette déclaration n’est-elle pas la preuve ? et combien nous voilà loin des théories de la majorité du Congrès de la Haye et du Conseil général de New York !

Il est bien certain que, puisque la rédaction de la Tagwacht et celle du Bulletin en sont venues à s’accorder sur la question de l’autonomie, le moment n’est plus bien éloigné où un rapprochement entre les socialistes de langue allemande et ceux de langue française sera possible. Mais ce rapprochement doit-il s’opérer par l’entrée de la Fédération jurassienne de l’Internationale dans le Schweizerischer Arbeiterbund ? Le procédé ne nous semble guère rationnel. Deux organisations sont en présence, l’une nationale, l’autre internationale : comment veut-on que ce soit l’organisation internationale, la plus compréhensive des deux, qui entre dans l’organisation nationale, dont le cadre est nécessairement plus étroit ? Si au contraire l’Arbeiterbund venait à voter son adhésion à l’Internationale, — ce qui pourra se faire dès que les principes socialistes seront assez compris dans les sociétés ouvrières de la Suisse allemande, — le vœu de la Tagwacht serait réalisé : l’élément allemand et l’élément français se trouveraient réunis dans une même association, plus large et plus puissante que l’Arbeiterbund, dans l’Association internationale des travailleurs du monde entier.

En attendant, amis de la Tagwacht, merci de vos sentiments fraternels ; ils nous sont une garantie que les malentendus qui ont divisé si longtemps les travailleurs en deux camps hostiles ne pourront du moins plus se renouveler en Suisse.


Sur l’activité des Sections de la Fédération jurassienne, voici les détails que je trouve à relever pour ces deux mois et demi, de janvier au milieu de mars 1876, par lesquels se clôt la période comprise dans le cadre de cette Cinquième Partie.

Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1875, — raconte le Bulletin du 23 janvier 1876, — des socialistes placardèrent dans les rues de Fribourg des petits imprimés engageant les ouvriers et les paysans à se joindre à l’Internationale (c’étaient les mêmes que ceux qui avaient été placardés à Neuchâtel en janvier 1870 ; voir tome Ier, p. 272). La presse s’émut de cet acte audacieux : « L’Internationale progresse, sans qu’on y prenne garde, ayant partout, comme à Fribourg, ses sections, son organisation, ses propagateurs, ses journaux et son bulletin, même dans les lieux publics... Dédaignant les votes politiques, méprisant le parlementarisme radical aussi bien que celui des conservateurs, défendant à ses adeptes de se laisser élire députés, elle ne poursuit qu’un seul et unique but : l’agrégation de toutes les forces vives et matérielles du nombre. Voilà le danger trop méconnu de l’Internationale, qui est à ce jour devenue légion. » (Gazette de Lausanne.)

Une Section se reconstitua à Lausanne en février 1876, et adhéra à la Fédération jurassienne. Sa fondation était due en particulier à l’initiative d’un réfugié français, Rodolphe Kahn, qui se réclamait du patronage de Ferdinand Gambon et de Félix Pyat. Kahn était un homme remuant ; et à côté de lui, dans le groupe lausannois, se trouvait alors un jeune ouvrier allemand d’un caractère énergique, le typographe Reinsdorf : aussi la nouvelle Section devait-elle bientôt faire parler d’elle.

En mars, une Section de langue française fut créée à Bâle, et entra également dans la Fédération jurassienne.

La campagne de conférences, de soirées familières, de réunions publiques,