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Le Bulletin publia (n° 5) un article extrait du Protesto, de Lisbonne, sur la condition misérable de la classe ouvrière de la ville de Porto ; et il dit à ce sujet : « Le mouvement ouvrier n’a pas encore pris, dans cette région, le développement considérable que l’Internationale lui a imprimé dans les pays voisins, en Espagne par exemple ; néanmoins les idées socialistes font leur chemin en Portugal, car là comme partout, il y a un prolétariat exploité et tenu en servitude ».


En Italie, le 5 janvier, la police arrêta Malon, à Milan, où il vivait avec Mme  André Léo sous le nom de Béra, et, après l’avoir gardé trois jours en prison, le reconduisit à la frontière suisse. Malon se fixa à Lugano.

Une correspondance adressée de Bologne, le 9 janvier, à la Plebe, racontait une visite faite à Costa et à Faggioli. Costa, écrivait le correspondant, occupait ses loisirs forcés à étudier l’allemand et l’anglais : « Si la prison dure encore un peu, j’apprendrai le russe », dit-il à son visiteur. Quant à Faggioli, il était en mauvaise santé, pâle et maigre, mais de belle humeur, lui aussi : « Nous sommes maintenant si habitués à notre situation, dit-il avec son bon sourire, que nous ne nous en trouvons plus du tout incommodés ». — Quelques jours plus tard parut enfin l’acte d’accusation. À l’origine, les inculpés de la région de Bologne et des Marches étaient au nombre de quatre-vingt-dix-neuf ; vingt avaient été remis en liberté : il en restait soixante-dix-neuf, dont huit ou neuf contumaces. Un correspondant de Bologne — c’était l’avocat Giuseppe Barbanti, qui fut l’un des deux défenseurs de Costa — nous annonça qu’il nous tiendrait au courant du procès ; ses lettres, publiées dans le Bulletin, sont signées de l’initiale S. — Cafiero, qui avait quitté Milan pour Rome au bout de trois mois, recommença, en janvier 1876, à nous adresser régulièrement des correspondances. Il nous annonça l’acquittement de sept membres de l’Internationale qui avaient comparu devant la Cour d’assises de Livourne, et la mise en jugement d’autres internationaux à Massa Carrara ; il nota au passage, en février, le mot fameux de Garibaldi, auquel la Chambre venait de voter une grosse somme d’argent comme récompense nationale, et qui déclara fièrement dans un journal « qu’il n’accepterait jamais les cent mille francs de fange gouvernementale » (i cento mila franchi di melma governativa[1]). Notre correspondant de Bologne, le 26 février, nous écrivit que les socialistes emprisonnés dans cette ville étaient presque tous des ouvriers très pauvres, et dont plusieurs étaient chargés de famille : « Il me semble, ajouta-t-il, que ce serait un devoir pour tous les socialistes de leur venir en aide ; la Fédération jurassienne ne pourrait-elle pas prendre l’initiative d’une souscription en leur faveur dans toutes les fédérations de l’Internationale ? » Le 6 mars, il nous annonça en ces termes que le procès allait enfin avoir lieu: « Nos amis ont enfin reçu la notification du jour de l’ouverture de leur procès : c’est le 15 courant que commencera la grande représentation. On a préparé une salle exprès pour eux, une des plus belles qu’on puisse voir dans les palais de Bologne. Et la chose en valait bien la peine en effet : car les plus honnêtes gens d’Italie sont ceux qui vont aller s’asseoir sur le banc des accusés. »


En France, la fameuse Assemblée de Versailles termina enfin sa longue session, après cinq ans de règne. Alfred Naquet eut l’idée de proposer, à cette haineuse réunion de conservateurs de toutes nuances, de voter une amnistie avant de se séparer. Sa proposition fut accueillie par des cris de fureur, surtout sur les bancs des prétendus républicains. « C’est un soi-disant socialiste, un ami de Proudhon, M. Langlois, qui a demandé la question préalable. Et l’ex-ouvrier Tolain, un proudhonien aussi, s’est empressé d’aller apostropher Naquet après que celui-ci fut descendu de la tribune, et de protester contre la demande d’amnistie. » (Bulletin du 9 janvier 1876.)

La campagne électorale pour la nomination de la Chambre des députés s’ouvrit aussitôt. Les élections du 20 février donnèrent la majorité au parti

  1. Il se décida néanmoins, plus tard, à les prendre.