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mille ouvriers, de tous les autres partis ; par conséquent, affaiblissement important des forces de l’ennemi.

... Alors, les sociétés de métier et la fédération locale peuvent commencer à organiser toutes les institutions, favorables aux ouvriers, qu’il est possible de créer dans les conditions actuelles.

Autre conséquence morale positive : les ouvriers n’auront plus cette crainte de déplaire au patron, qui en paralyse un si grand nombre aujourd’hui ; en effet, ils se sentiront tous individuellement appuyés par une masse bien organisée.

Les institutions qu’il est possible aux ouvriers ainsi groupés d’organiser sont nombreuses. En voici quelques-unes : création d’une caisse de résistance dans chaque métier, et organisation solidaire fédérative de la résistance ; — création d’une assurance mutuelle générale pour les cas de maladie et de chômage ; — institution d’un bureau général de renseignements et de statistique...; — institution d’un fonds volontaire de solidarité... ; — organisation du crédit solidaire, mutuel et fédéral, dans le but d’utiliser toutes les ressources financières des sections et de la fédération pour le développement des entreprises ; — institution, dans les principaux quartiers, de magasins de la fédération... ; — institution d’ateliers placés sous la surveillance des sociétés de métier ou de la fédération, et leur appartenant ; — création d’un dépôt d’ouvrages socialistes, scientifiques et littéraires,… organisation d’une bibliothèque générale, de conférences publiques régulières, de séances familières de lecture et de discussion, de soirées populaires, etc....

Une pareille organisation et une telle action transformeraient la population ouvrière d’un centre industriel comme la Chaux-de-Fonds en une véritable puissance, et toutes les calomnies bourgeoises, les manœuvres réactionnaires, les craintes des timides, disparaîtraient devant la grandeur d’une agitation populaire permanente. Les idées, les habitudes, les mœurs se transformeraient ; la vie dans l’atelier, dans les familles, dans la rue, dans l’assemblée, deviendrait le miroir pratique du principe d’émancipation du travail.

Lorsque les ouvriers des localités avoisinantes, visitant la Chaux-de-Fonds, y verraient fonctionner les institutions ouvrières dont nous venons de parler, ils s’en retourneraient avec le désir de réaliser aussi chez eux quelque chose dans ce sens. L’idée gagnerait du terrain et bientôt nos localités industrielles constitueraient un puissant réseau d’organisations ouvrières. Cette propagande au dehors pourrait être immensément favorisée par des courses en masses. On ne se prive nullement aujourd’hui de promenades ; seulement chacun tire de son côté. Pourquoi les deux mille ouvriers organisés de la Chaux-de-Fonds ne se rendraient-ils pas un jour, en masse, dans les Franches-Montagnes ultramontaines[1], dans le Val de Saint-Imier libéral, au Locle, au Val de Ruz, pour aller démontrer aux populations de ces localités qu’elles ont à satisfaire à des intérêts supérieurs à ceux des vieux partis politiques, et que, par l’union et l’action,

  1. District catholique du Jura bernois, qui a pour chef-lieu Saignelégier.