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si je pouvais lui être utile à Milan. Je t’écrirai, Michel, aussitôt arrivé là-bas. Je t’embrasse, Michel, je t’embrasse bien fortement, je t’embrasse encore.


On peut deviner, par ce billet, que Bakounine avait exprimé le désir que Cafiero et sa femme lui rendissent visite à leur tour, avant de partir, et avait laissé voir qu’il craignait un refus à cause de la présence de Mme  Bakounine à Lugano. La visite eut lieu. Mme  Olympia Cafiero-Koutouzof m’a écrit (2 septembre 1907), en réponse à une question à ce sujets ce qui suit :


Avant mon départ pour la Russie, nous sommes allés à pied à Lugano, Carlo et moi, avec deux ou trois amis, dont Filippo Mazzotti, faire nos adieux à Bakounine. Avant cela, Bakounine était venu passer quelques jours à la Baronata. Nos rapports étaient les meilleurs. De Lugano nous revînmes à la Baronata. Ensuite je partis pour la Russie, et Carlo m’accompagna jusqu’à Milan, où il resta.


Cafiero ne devait revenir en Suisse qu’en octobre 1876, quatre mois après la mort de Bakounine.




XIII


D’octobre à décembre 1875.


Pour l’Espagne, je ne trouve, dans ce trimestre, qu’une seule indication : il s’agit de la façon dont s’y prit le gouvernement alphonsiste pour détourner la menace d’une insurrection républicaine.

« On s’attendait en Espagne il y a quelques semaines, écrit le Bulletin du 17 octobre, à un mouvement républicain ; tout le pays était dans la plus grande fermentation... Comment conjurer un semblable péril ? Les conseillers d’Alphonse ont trouvé un moyen bien simple. Ils ont mis en avant la question du suffrage universel. « On a fait courir le bruit, » se sont-ils écriés, « que le gouvernement voulait supprimer le suffrage universel et rétablir le cens électoral ; rassure-toi, peuple : le suffrage universel sera maintenu. » Et à l’ouïe de cette seule promesse, le peuple s’est apaisé, le gouvernement a pu dormir tranquille, et les quelques républicains qui ont voulu essayer quand même une levée de boucliers en Andalousie se sont trouvés complètement isolés. Voilà un nouvel exemple de ce que vaut le suffrage universel pour la liberté d’un peuple. »


D’Italie, également, les nouvelles furent rares pendant les derniers mois de 1875 ; Cafiero, qui travaillait, comme je viens de le dire, chez un photographe à Milan, cessa, durant son séjour dans cette ville, de nous envoyer des correspondances. La Plebe, de Bignami, se transporta, au commencement de novembre, de Lodi à Milan, et s’y transforma en un quotidien de grand format : le Bulletin salua avec cordialité l’agrandissement de ce journal, en souhaitant « de se trouver toujours d’accord avec lui, tant sur les principes généraux que sur les questions d’application et de pratique révolutionnaire ». Et en effet, pendant quelques mois, le directeur de la Plebe sembla être devenu franchement de nos amis. J’empruntai à son journal (Bulletin du 19 décembre) un article très décidé, intitulé I tempi non sono maturi (Les temps ne sont pas mûrs), qui faisait voir, disais-je, « que les idées défendues par les socialistes italiens sont bien les mêmes que les nôtres ». Cet article signalait comme les plus grands ennemis du progrès les faux libéraux, les modérés, ceux qui acceptent toutes nos idées, mais seulement comme idées, en répétant, pour s’opposer à toute tentative de réalisation pratique, que les temps ne sont pas mûrs ; et le