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dire aux capitalistes que s’ils ont chassé de Tompkins Square les ouvriers non-organisés, ils auront maintenant affaire à des ouvriers organisés ».

En avril, il y eut en Pensylvanie de grandes grèves de mineurs, et les autorités appelèrent des soldats pour maintenir l’ordre, c’est-à-dire pour exercer une pression en faveur des exploiteurs. Cette fois-là il n’y eut pas de massacre ; mais un jour devait venir où le nom de Pittsburg serait associé au souvenir de scènes de carnage.

J’ai dit que Sorge avait, en août 1874, résigné ses fonctions de secrétaire du Conseil général, et qu’Engels lui avait écrit : « Avec ta retraite, la vieille internationale (marxiste) a cessé d’exister ». Cependant il subsistait encore (voir p. 245) un fantôme de Conseil général[1], et ce fantôme s’avisa, en mai 1875, d’expédier en Europe une circulaire proposant la réunion d’une Conférence de délégués de l’Internationale (sic) à Philadelphie, pour le mois de juillet 1870, à l’occasion de l’Exposition universelle ; ces circulaires étaient signées par Speyer, le secrétaire qui avait remplacé Sorge[2]. Dans son volume de 1906 (p. 144), Sorge constate avec mélancolie que cet appel se perdit dans le vide : « Il ne vint de réponse que de la Suisse. D’Allemagne, un ancien camarade d’Amérique nous écrivit que le Comité central de Hambourg ne se souciait pas de dépenser de l’argent pour envoyer une délégation à la Conférence. Un autre, qui avait été chargé de se mettre en relations avec la France et l’Espagne, n’obtint pas le moindre résultat. » Engels avait reçu, le 4 juin, vingt et un exemplaires de la circulaire ; il écrivit au « Conseil général » la lettre suivante :


Londres, 13 août 1875.

Les 21 circulaires qui m’ont été envoyées avec une lettre du secrétaire Speyer ont été distribuées selon vos instructions...

1. J’ai donné des exemplaires de la circulaire à Lessner et Fränkel, qui ont été d’avis, comme moi, qu’il n’y a pas lieu de la communiquer officiellement à notre Arbeiterverein (section allemande) de Londres... Comme il est certain qu’aucun ouvrier allemand ne sera envoyé d’ici à Philadelphie, cela n’aura pas d’influence sur le résultat.

2. Notre ami Mesa de Madrid, qui habite maintenant Paris, se trouvait justement ici quand la circulaire est arrivée. Il a pris la chose très à cœur, je lui ai traduit la circulaire, et, comme il connaît des membres du comité qui administre à Paris la souscription pour l’envoi d’ouvriers à l’Exposition de Philadelphie, il lui sera sans doute possible, avec l’activité que nous lui connaissons, d’arranger quelque chose. Il enverra aussi la circulaire en Espagne.

3. Je ne puis pas l’envoyer en Belgique, puisque toute l’Internationale belge fait cause commune avec les alliancistes, et qu’il n’est pas dans notre intérêt de communiquer notre plan à ceux-ci. En Portugal et en Espagne je n’ai point d’adresses. La Plebe de Lodi s’est jointe plus ou moins aux alliancistes, et elle serait capable de publier l’histoire tout de suite

  1. Il subsistait à l’insu de ses propres partisans, car le plus intime des amis de Sorge, J.-Ph. Becker, lui écrivait le 24 janvier 1875 : « Existe-t-il encore un Conseil général ? »
  2. Dans cette circulaire (datée du 16 mai 1875) on lisait : « La situation de l’Association n’a cessé d’empirer depuis le Congrès de Genève. Nous n’avons entretenu des relations quelque peu régulières qu’avec Zürich et avec Londres ; avec l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie, les relations ont été presque nulles. Il n’existe en réalité plus qu’une branche, celle de l’Amérique du Nord ; et celle-ci est déchirée par des dissensions intestines. »