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Le Bulletin raconta en ces termes à ses lecteurs la façon dont cette assemblée reconnut l’existence légale de la République, le 30 janvier 1875 :

« M. Ventavon avait présenté un projet d’organisation du Septennat. Pour combattre ce projet, les républicains choisirent M. Laboulaye, le même qui sous l’empire a fait une si active propagande plébiscitaire ; et ce Laboulaye présenta, en opposition au projet Ventavon, un amendement ainsi conçu : « Le gouvernement de la République se compose de deux Chambres et d’un président de la République ».

« Où est la différence entre la République Laboulaye et la monarchie parlementaire ? Il n’y en a point.

« Louis Blanc, se souvenant qu’il fut un temps où il était socialiste, a combattu l’amendement Laboulaye, et spécialement l’institution d’un président de la République. Là-dessus, grande fureur des gambettistes ; Louis Blanc est déclaré traître, la République française le foudroie dans un réquisitoire violent. Alors Louis Blanc s’effraie de sa propre audace ; il recule, il s’excuse, il écrit qu’il votera l’amendement Laboulaye.

« Inutile palinodie : l’amendement Laboulaye ne réunit que 336 voix, y compris celle du repentant Louis Blanc. Consternation générale sur les bancs de la gauche ! la République est perdue !

« Mais non : une nouvelle porte de salut s’ouvre pour elle. C’est l’amendement Wallon ; le voici : « Le président de la République est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés, réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. »

« C’est ici que va se livrer la bataille suprême. Anxiété générale. Hourrah ! l’amendement Wallon est adopté par 353 voix contre 352 : la République est votée à une voix de majorité ! — La République ? — Sans doute. Le mot de République n’est-il pas dans l’amendement ? Cela suffit.

« Et voilà le grotesque spectacle qu’offrent au monde les représentants du peuple qui fit la grande Révolution humanitaire du dix-huitième siècle ! »

M. Ch. Savary avait présenté, le 25 février 1875, un rapport sur les menées bonapartistes. Ce rapport contenait le passage suivant, relatif à une prétendue alliance du bonapartisme et du socialisme, passage où une perfide substitution du nom d’une ville à celui d’une autre avait été évidemment faite à dessein :

« On comprendra peut-être, après avoir lu ces pièces, comment l’Union française des amis de la paix sociale pouvait déclarer à Genève, au mois d’août 1873 : Pour nous, l’empire c’est la révolution. »

La presse bourgeoise était partie de là pour insinuer que les proscrits français qui habitaient Genève étaient des agents de l’empire ; le Journal de Genève parla même de la colonie communardo-bonapartiste de cette ville !

Le Bulletin répondit (7 mars 1875 ) :

« Cette Union française des amis de la paix sociale dont parle le rapport Savary n’est pas, comme on pourrait le croire, une association réelle ; ce n’est pas même un groupe : elle se compose tout simplement d’un Robert Macaire que nous avons déjà signalé à réitérées fois, M. Albert Richard de Lyon, et de son Bertrand, M. Gaspard Blanc. Ce sont eux qui rédigent les manifestes de cette soi-disant Union française, et c’est Mme Bonaparte qui paie les frais.

« Les deux gredins en question se cachent en Italie ; ils n’habitent pas Genève, parce qu’ils savent trop bien que les soufflets les y attendraient à tous les coins de rue ; leur manifeste d’août 1873 est daté de Gênes, et a été expédié par la poste italienne à toutes les personnes dont ils ont pu se procurer l’adresse. M. Savary a remplacé Gênes par Genève : c’est habile, et c’est surtout loyal ! Cela nous fait augurer du degré de conflance qu’il est permis d’accorder à quelques autres de ses affirmations. »

Le même numéro contenait une lettre qu’écrivait un ouvrier parisien pour signaler les manœuvres de certains catholiques :

« Ce que vous ignorez peut-être, c’est que le parti clérical essaie d’enrayer le mouvement social en trompant les ouvriers par un semblant de libéralisme. Il se donne, en ce moment, des réunions sous le nom de Congrès, ayant pour but, disent-ils, d’engager le gouvernement à reconnaître, par une bonne loi,